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REVUE POUR LES FRANÇAIS

en rien l’effet des innombrables défauts de son successeur, le suédois Sigismond iii. Anti-slave, celui-là s’unit aux Autrichiens contre les Tchèques, aux Hongrois contre les Transylvains ; il trouva moyen de perdre la Moldavie et la Livonie, ayant dû céder la première aux Turcs (1621), la seconde aux Suédois (1629). Étroit et fanatique, son attitude religieuse ne fut pas moins contraire aux saines traditions nationales que son attitude politique ; il ne se montra pas moins hostile à l’église orthodoxe qu’à la race slave.

La métamorphose totale

Jamais transformation plus radicale ne s’était accomplie dans un pays que celle dont la Pologne était alors le théâtre. De monarchie libérale elle était devenue une aristocratie anarchique. D’État diversifié dont chaque portion avait conservé longtemps sa foi, ses habitudes et son élasticité, elle devenait un État uniformisé et paralysé. De société ouverte et éclectique elle allait devenir autoritaire et doctrinaire. Ainsi tout s’y passait au rebours du bon sens et de l’habitude ; le progrès y marchait à reculons. La noblesse grisée des privilèges monstrueux récemment acquis par elle ne songeait qu’à les conserver ; l’intrigue et la corruption tuaient chez ses représentants la notion du patriotisme. Deux points sont à noter : une décadence si excessive et si rapide ne mena malgré tout la Pologne à sa ruine que lentement, tant étaient fortes les assises sur lesquelles s’appuyait le grandiose édifice, — mais telle était, d’autre part, la nocivité des germes dont provenait cette décadence que l’effort admirable de réaction tenté par Sobieski ne put en avoir raison. À l’apparence, rien ne semblait encore perdu. Sans doute la grande révolte des cosaques de l’Ukraine, anciens Scythes établis sur les rives du Dnieper et divisés en compagnies militaires, avait abouti à la rupture de liens de vasselage utiles à la couronne ; désormais ces cosaques qui avaient longtemps servi à la Pologne de garde-frontières allaient dépendre du tsar. Sans doute aussi l’Électeur de Brandebourg s’était émancipé de son suzerain et avait fait reconnaître son indépendance. L’État polonais n’en restait pas moins l’un des premiers de l’Europe et quand il eut à sa tête l’homme le plus