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REVUE POUR LES FRANÇAIS

gnita, « terre inconnue ». On aurait pu tout aussi bien l’appeler « terre d’esclavage », car, depuis Charles-Quint, les négriers arabes servaient d’intermédiaire au monde européen pour y « chasser l’homme » et l’exporter, en troupeaux innombrables, vers les colonies du Nouveau Monde.

Les premiers explorateurs du Congo, Livingstone, Stanley, Brazza, etc., rapportèrent à l’Europe l’impression des barbaries commises et des richesses naturelles soupçonnées en ces régions, et, sous la double influence des idées humanitaires et des besoins économiques, l’Europe résolut, dans l’intérêt commun des nègres et des blancs, d’en organiser méthodiquement la pénétration. Le roi Léopold ii, promoteur du mouvement, assembla les bonnes volontés : à la suite d’une conférence internationale tenue à Bruxelles en 1876 fut fondée sous son patronage l’« Association internationale africaine », société d’études, de commerce et d’exploration. Cette entreprise fut si bien menée qu’elle aboutit en quelques années à la création d’un véritable État. La conférence de Berlin proclama son indépendance en 1885 et lui donna pour chef son fondateur le roi des Belges. Ces faits vous sont connus. Nous n’y insistons pas.

L’État indépendant du Congo constitue un domaine immense, 25 fois plus grand que la Belgique. De même que l’Égypte est un « don du Nil », il tire toute sa valeur du fleuve qui lui donna son nom. Quel est, en effet, le principal et la plupart du temps l’unique obstacle à la mise en exploitation d’un pays neuf ? La difficulté des communications. La circulation crée la vie dans l’organisme social comme dans l’organisme humain. Un pays quelconque se développe et prospère en raison directe de la facilité de son accès. À côté de régions comme l’Abyssinie, la Perse ou le Thibet, isolées du reste du monde par des barrières de montagnes escarpées, l’État indépendant paraît infiniment privilégié. Le Congo, dont le bassin couvre une superficie supérieure à sept fois la France, le relie à la mer et lui assure, avec ses affluents, plus de 15.000 kilomètres de voies navigables. De sorte que, pour pénétrer au centre de ce territoire immense, l’administration royale a dû seulement construire 400 kilomètres de chemins de fer, entre Matadi et Léopoldville, le fleuve étant ici coupé d’infran-