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REVUE POUR LES FRANÇAIS

que, elle nous a égarés. Nous voulons essayer de la détruire dans l’esprit de nos lecteurs ; c’est l’objet des lignes suivantes.

Le Japon est un groupe d’îles. Sa population autochtone a donc vécu en dehors de tout contact avec le reste du monde jusqu’au moment où les progrès de la navigation en ont facilité l’accès. Cet isolement prolongé fut peu propice au développement de la race aborigène. À l’époque où les Chinois et les Hindous vivaient déjà comme aujourd’hui, les Aïnos du Japon menaient une existence sauvage. La nature les avait peu doués. On en trouve encore de pur sang à Sakhaline et à Yeso : c’est un peuple inférieur entre tous les Asiatiques.

Huit mille ans avant notre ère, le pays nippon fut envahi de deux côtés : par des pirates mongoles et des pirates malais. La fusion des races s’accomplit, origine d’une famille nouvelle qui subit aussitôt l’empreinte de son foyer. On peut dire que les Japonais d’aujourd’hui qui en descendent, sont fortement caractérisés par cette empreinte sans cesse plus accentuée du milieu natal. La nature enjôleuse de leur pays les a formés à son image.

Elle est si belle, cette nature, qu’ils l’ont prise en adoration. Pour eux, le Japon n’est pas un pays comme les autres, il est privilégié des dieux, il est divin ! Tout ce qu’il produit est d’essence supérieure, et les hommes mêmes qui y sont nés se croient au-dessus des autres. Voilà qui explique très clairement les deux sentiments qui dominent dans l’âme japonaise : l’amour du pays, le patriotisme, confondu avec la religion ; l’amour-propre, l’orgueil et la confiance en soi. En même temps que la nature et la géographie, l’histoire a fortifié ces sentiments. Le Japon est le seul peuple de l’Asie qui n’ait jamais été vaincu.

Il s’est développé normalement jusqu’à la révolution de 1868 qui, soudainement, en a fait une puissance mondiale. Il s’est révélé à la manière des diables qui s’échappent de nos boîtes à surprise, et l’Europe s’en est amusée comme d’un jouet. Elle s’intéressa follement à ces charmants petits Japonais, à leurs bibelots, à leurs écrans, à leurs ivoires, et au Fuji-Yama qu’on admirait sur leurs dessins, encadré de verdure gracieuse. Quel peuple artiste ! Quelle gaieté ! Quelle douceur ! Comme ils étaient drôles, habillés