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L’ANGLICANISME À SON POINT D’ARRIVÉE

éloignait de Rome les Anglais n’a rien perdu de sa force et que s’il s’est atténué dans ses expressions il demeure, en réalité, très vivace[1], plusieurs obstacles infranchissables se dressent entre les deux églises. Le premier c’est l’usage de la confession. La confession que prévoit d’ailleurs le common prayer book peut s’entendre de façons très différentes selon qu’elle est libre ou sacramentelle. La confession libre existe plus ou moins dans toute religion. Quel ministre d’un culte quelconque n’a point reçu les confidences d’une âme meurtrie par la vie ou rongée par le remords et — les ayant reçues — n’a point cherché à apporter à cette âme les consolations désirables ? Toute autre est la confession sacramentelle, laquelle prescrit des confidences complètes et périodiques. Celle-là, on le conçoit, ne peut exister qu’avec un clergé voué au célibat. Le clergé anglican est-il disposé à renoncer en masse à la vie de famille pour adopter le célibat ? Poser la question c’est la résoudre. Un second obstacle provient de l’interprétation si variée du dogme eucharistique. Rien n’est plus large dans l’église anglicane. Un sacristain qui nous faisait naguère visiter un sanctuaire renommé nous disait le plus naturellement du monde : « le présent desservant ne croit pas au saint sacrement mais son prédécesseur y croyait ». Et parmi les communiants il y en avait assurément du temps de l’un comme du temps de l’autre, qui « croyaient » et qui « ne croyaient pas ». Ainsi l’eucharistie anglicane s’étend du symbolisme le plus vague à la présence réelle la plus complète. Il serait impossible aujourd’hui de faire fusionner ces croyances et ces incroyances si enchevêtrées les unes dans les autres. Enfin le clergyman anglais malgré qu’il soit soumis à la juridiction épiscopale est accoutumé à une liberté d’interprétation et d’exécution des règlements ecclésiastiques qui serait tout à fait incompatible avec le catholicisme. Il lui faudrait, pour y entrer, renoncer à un privilège tellement acquis qu’il ne se rend peut-être pas bien compte lui-même à quel point cette renonciation lui coûterait.

Et puis, encore une fois, la nation ne demande rien de pareil. Cette race qui apprécie que, sous leurs perruques d’un autre âge,

  1. Wilberforce l’évêque d’Oxford n’écrirait plus aujourd’hui que « tout ce qui est romain est une puanteur pour ses narines » expression d’une véhémence d’autant plus surprenante que ce prélat se montra plus indulgent aux innovations ritualistes, mais il est probable que sa pensée se traduirait avec d’autres mots, d’une manière identique.