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LE JAPON TEL QU’IL EST

résultats du progrès à notre manière, on est vraiment tenté de croire que la civilisation, telle que nous l’entendons pour nous, ne fait pas toujours le bonheur des peuples lointains qui l’adoptent !…

La deuxième règle de chevalerie commande l’obéissance passive et le dévouement au seigneur. Tous les Japonais ont dans le sang le sentiment de la hiérarchie, et en dépit des tendances nouvelles vers une égalité toujours plus grande, les classes dirigeantes ont conservé et garderont sans doute longtemps encore leurs privilèges moraux.

La troisième loi ordonne, envers soi-même, un courage stoïque, le mépris de la douleur et de la mort. Exagérant cette obligation les anciens en étaient arrivés à rechercher comme un bonheur l’occasion de mourir noblement. On se montrait naturellement très susceptible, et, pour les motifs les plus futiles, on se battait en duel… ou on se suicidait. Le suicide était considéré comme une preuve éclatante de courage, et cette manière de voir s’explique par l’épouvantable façon dont il y était procédé : pour un chevalier, se suicider, c’était « faire harakiri » c’est-à-dire s’ouvrir le ventre. L’auteur de cet article a assisté, dans un théâtre d’Osaka, au simulacre de cette opération représentée d’une manière très saisissante, très réaliste : c’est un spectacle terrifiant. L’honneur voulait, d’ailleurs, qu’on s’infligeât les souffrances les plus horribles et qu’on les fit durer le plus longtemps possible,… après quoi l’on vous proclamait un héros, et les jeunes gens brûlaient de l’encens sur votre tombe, souhaitant de pouvoir vous imiter un jour !

Les autres lois font du seigneur un justicier, défenseur né des faibles, et lui prescrivent une étiquette où l’on retrouve la plupart de nos vieux préjugés nobiliaires.

Si l’on considère que, de tout temps, le chevalier a été regardé comme le type du parfait Japonais, que l’idéal rêvé de toutes les autres classes de la société consistait à se rapprocher le plus possible des manières d’agir de la classe noble, on constate sans surprise que ces anciennes pratiques se sont répercutées jusque dans l’âme populaire qu’elles dominent encore aujourd’hui. Le féodalisme a ainsi régné sur tous les esprits, son action fut d’autant plus forte et plus durable.

Mais, à la différence de ce qui se passa chez nous au Moyen-Age, la féodalité au Japon n’a pas abouti à créer des États dans