Page:Revue pour les français, T1, 1906.djvu/50

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
36
REVUE POUR LES FRANÇAIS

La situation est la même pour le commerce. « Il existe une chose qu’on nomme le commerce ; faites en sorte que vous ne sachiez rien de cette chose-là, » proclamaient autrefois les règles de chevalerie. Les professions marchandes déconsidérant leurs occupants, l’élite n’avait aucune idée des questions commerciales au moment de la Restauration et en acquit de suite une notion très fausse — grâce, peut-être, aux fâcheux exemples de quelques Européens peu scrupuleux. Pour un Japonais, le commerce c’est l’exploitation d’autrui : il ne peut saisir que deux parties opposées trouvent avantage dans une opération unique. Cette inexpérience leur nuit beaucoup. Elle augmente la difficulté des relations d’affaires avec les étrangers : elle fait commettre aux commerçants indigènes bien des maladresses qu’on prend chez nous pour de la mauvaise foi.

Le gouvernement japonais l’a parfaitement compris ; il a multiplié les écoles de commerce, et il nous plaît de constater à l’appui de nos affirmations qu’il a placé au premier rang dans l’enseignement des cours de moralité commerciale ! Les Japonais sauront en profiter ; ils sont trop intelligents pour n’avoir pas déjà compris la valeur de l’honnêteté dans le commerce : s’ils se conduisent mal, si souvent, c’est surtout par incompétence.

Malgré tout, il ne faudrait pas se porter garant de leur bonne foi : se sentent-ils inférieurs à nous sur un point quelconque ? Ils se rattrapent en nous trompant. À force de poudre aux yeux, ils ont réussi à se grandir démesurément, à étonner le monde bien plus qu’il ne convenait, et à se tromper eux-mêmes. Combien de fois, par exemple, n’a-t-on pas exalté, chez nous, leur génie inventif ! Combien de fois d’éminents écrivains se sont-ils laissé abuser par leurs statistiques erronées concernant les brevets d’invention ! Sans doute les Japonais ont su réaliser quelques découvertes scientifiques très importantes, sans doute ils savent perfectionner, par quelque détail ingénieux, nos inventions européennes, et ils sont fort habiles dans l’application de nos procédés, mais ils manquent totalement d’initiative et de sens pratique dans leurs créations propres. Ils se moquent de l’Europe — à la barbe de nos savants — lorsqu’ils publient les chiffres fabuleux des brevets d’invention distribués chaque année par leur gouvernement. Vous allez en juger.

Il existe à Tokio, au ministère du commerce et de l’industrie, un musée qui possède, entre autres, une très vaste salle affectée aux