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REVUE POUR LES FRANÇAIS

seulement comme une science mais surtout comme un art dont la méthode varie selon le milieu où on l’applique.

Sans doute, au début des conquêtes, l’Européen put un instant considérer les colonies comme uniquement prédestinées à sa fortune et leurs habitants comme de simples outils d’exploitation. Il fut un temps où l’on considérait chez nous les indigènes des colonies comme des gens de mentalité toujours inférieure : c’est en ce même temps qu’on prétendait — en vertu d’une politique fameuse dite d’assimilation — les gouverner comme des Français de France. Singulier illogisme ! Il n’en est plus de même aujourd’hui. L’expérience a permis de reconnaître que si les indigènes des différents pays soumis à la France appartiennent à des races de valeur tout à fait inégale — il faut être aveugle pour soutenir encore de nos jours la prétendue égalité des races humaines — ces indigènes n’en possèdent pas moins des qualités, des habitudes et des besoins propres parfaitement différents des nôtres ; les vouloir administrer tous suivant les principes du droit français, ce serait vouloir les affoler ; mieux vaut adapter ces principes à leur nature et à leur milieu. On l’a compris, et c’est ainsi qu’est née la politique dite d’association.

Cette politique a pour objet d’« associer » les efforts des fonctionnaires, des colons et des indigènes, en exigeant de chacun selon ses moyens une coopération utile à la même œuvre : le progrès économique et moral de la colonie. Cette politique, très rationnelle, demande de la part de nos administrateurs coloniaux une connaissance profonde des populations qu’ils sont appelés à diriger ; elle varie à l’infini selon les milieux, mais partout, même parmi les sociétés les plus avancées, l’Européen doit conserver dans l’« association » une autorité prépondérante. Son rôle est d’enseigner à ses auxiliaires l’intérêt commun qui les guide et de les entraîner ainsi vers le progrès en les forçant à obéir à la loi commune du travail.

Nous ne voyons là rien d’abusif. Il nous semble au contraire que par la régénération physique et morale de ces populations lointaines nous faisons plus qu’œuvre française et remplissons un devoir humain. Je ne prétends pas dire que tout est pour le mieux dans notre régime colonial, mais, constatant les progrès immenses accomplis depuis quelque temps dans le domaine de la politique indigène, j’augure bien de son avenir et me crois fondé à conclure qu’il saura satisfaire à la fois nos sentiments philanthropiques et nos ambitions nationales.