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REVUE POUR LES FRANÇAIS

Les socialistes sont groupés autour de leur Mahomet qui est Marx et ils admettent comme prophètes Jésus de Nazareth, Hegel et Darwin. Ils pourraient bien accepter aussi Feuerbach qui a annoncé dès 1841 que « le vrai Dieu, le Dieu humain sera l’État ». C’est exactement la doctrine qu’ils professent. Ils attendent tout de ce Dieu-là et sans avoir à se donner de mal : ils attendent avec certitude parce que Marx leur a montré la pente fatale conduisant les sociétés au pied de ses autels. Donc pas d’aléa : ni enfer ni purgatoire. Le paradis est aussi immanquable que la mer au bout des fleuves. Les socialistes allemands ne sont pas des évolutionnistes puisque leur évolution s’arrête net à la réalisation de leurs désirs. Mais ce sont des fanatiques en ce qu’ils ne discutent même pas les faits et n’ont recours à la science et à la critique que dans la mesure où elles fournissent des arguments en faveur de leur thèse.

Les catholiques, eux, puisent leur ardeur initiale dans la contemplation d’une institution historique dont le nom et la stature les enchantent mais dont ils ignorent l’aspect véritable : c’est le Saint-Empire romain germanique. Ils aperçoivent dans un passé lointain et dont leur imagination complète les lacunes une alliance véritable entre la tiare pontificale et l’épée impériale ; il leur faut un empereur comme ils ont un pape ; et de nouveau, le pape et l’empereur seront les « deux moitiés de Dieu sur la terre ». Voilà ce dont ils rêvaient et ce que à quoi, maintenant, ils aspirent ; car Guillaume II n’a-t-il pas accompli ce miracle, souverain hérétique, d’être l’hôte ami du Vatican et, soutien du Sultan, d’aller s’agenouiller sur le Golgotha. On peut tout espérer d’un prince qui se montre si habile à concilier les inconciliables. Il est évidemment l’instrument mystérieux de la Providence.

Le groupement socialiste et le groupement catholique débordent des frontières actuelles de l’empire. Ils englobent l’Autriche. Ce sont des groupements pangermanistes. Il y en a un troisième ; c’est le groupement gymnique. La fédération des Turnvereine comprend, depuis bien longtemps déjà, les sociétés autrichiennes. Le pangermanisme trouve là des pépinières de zélés et fidèles disciples mais la formule qui les unit est du moins compréhensible