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REVUE POUR LES FRANÇAIS

tique et, délaissant toute ambition, toute idée de revanche ou de conquête, n’a plus eu qu’un désir : vivre tranquille.

Malheureusement, l’Europe l’a réveillée. Menacés par elle, maltraités par les Européens, les Chinois ont compris qu’il ne devait pas leur suffire d’être progressifs et instruits mais qu’il leur fallait être forts, et ils se sont mis à l’ouvrage.

Sont-ils capables de jamais devenir une puissance militaire redoutable ? Beaucoup d’écrivains et même de voyageurs ont répondu à cette question par un haussement d’épaules en s’appuyant précisément sur l’état d’esprit antimilitaire et antipatriotique de la masse des Chinois. Peut-être ont-ils fait preuve de quelque légèreté ! Sans être patriotes à notre façon, les Chinois ont acquis, au cours de ces dernières années et sous la menace du « péril blanc », un sentiment qui les solidarise dans une commune défiance de l’étranger ; il y a là un ressort suffisant pour les soulever à l’occasion d’un élan unanime contre lui. D’autre part il existe en Chine, à côté des petits cultivateurs et des petits boutiquiers, bien assez d’éléments turbulents pour former une armée formidable. D’une façon générale, le Céleste n’est pas dénué de qualités militaires ; il est sobre, endurant, discipliné, agile, plein de sang-froid, méprisant pour la mort ; la science lui fait défaut mais il peut l’acquérir et, si nous en croyons les plus récents rapports de témoins authentiques, il a réalisé déjà, dans cet ordre d’idées, une série de progrès stupéfiants.

Jadis chaque vice-roi, gouverneur de province, entretenait son armée. Il n’en est plus de même aujourd’hui. Un décret impérial de 1903 a réalisé l’unité dans la direction en créant à Péking un Conseil supérieur de la guerre, investi de toute autorité en matière militaire sur l’ensemble du territoire. Les dix-huit provinces de la Chine propre forment autant de circonscriptions militaires. Dans chacune doivent être créées deux divisions de 12.000 hommes. Les trente-six divisions donneront donc une armée active d’environ 430.000 hommes.

Le recrutement s’effectue le plus souvent par engagements volontaires ; on a cependant établi la conscription dans plusieurs provinces, en l’entourant de garanties spéciales : « le soldat fourni par un village doit savoir lire et écrire les caractères usuels et être pourvu, sous la responsabilité des notables, d’un certificat de bonne vie et mœurs attestant spécialement qu’il ne fume pas l’opium ». La durée du service a été fixée à dix ans : trois ans