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REVUE POUR LES FRANÇAIS

d’apparence confortable dominé par un drapeau énorme et le palais du sultan, maison à volets verts de pauvre allure surmontée d’un drapeau écarlate. Nous cherchons les couleurs françaises : plus modestes, elles ne se montrent pas…

Cependant le paquebot, entouré de chalands et de pirogues, est bientôt pris d’assaut par les bateliers qui se disputent nos bagages. Aussitôt débarqués nous allons au consulat français. C’est une maison de belle apparence — un cadeau du sultan à la France — malheureusement bâtie au milieu de la ville dans une situation défavorable.

Du haut de la terrasse, Mascate nous apparaît comme une véritable cuvette, un trou creusé au milieu des rochers volcaniques. Pauvre capitale d’un pays infiniment pauvre ! L’Oman couvre une superficie à peu près égale à celle de la Turquie d’Europe et renferme un million d’habitants, la plupart en continuelle révolte. Il produit peu : des dattes, des mangues, du sel, des poissons, du henné. Ses habitants sont misérables : leur condition n’affiche dans leurs costumes et dans leurs habitacles, primitifs à l’extrême. Pourtant les Arabes Mascati ont conservé la même allure très noble qu’ils avaient au temps de leur splendeur ; ils en ont conservé aussi l’habitude de porter toujours à la ceinture un poignard recourbé qu’ils nomment djambia. C’est leur unique parure et ils le considèrent bien plus comme un bijou et un insigne de race que comme une arme. Ils y attachent un prix énorme, et ceux-là vendraient leur gandourah, leur unique chemise, plutôt que de céder leur coutelas.

Mascate est peuplée d’environ 10.000 habitants Arabes, Beloutchis, Hindous et nègres esclaves. Elle est entourée d’une enceinte absolument close percée de portes gardées par des soldats à peine vêtus, à peine armes, mais imposants quand même. Nous circulons un peu partout, au coucher du soleil, en compagnie du consul de France M. O… qui est ici depuis sept ans. Sa connaissance parfaite de la langue et des mœurs arabes lui ont valu une étonnante popularité au milieu de ces peuplades naturellement méfiantes de l’étranger et réputées fanatiques. Le sultan est son ami intime et vient au consulat, en bon voisin, fumer des cigarettes ; au dehors par la ville et par la campagne, les Arabes le traitent sympathiquement, beaucoup se précipitent pour lui baiser la main. Ces manifestations nous touchent beaucoup. M. O… s’est d’ailleurs vu récompenser de ses excellents services : on l’a élevé d’un grade,