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L’HELLÉNISATION DE ROME

ce n’est pas une des conséquences les moins curieuses de l’étude de ce grand mouvement d’hellénisation de Rome que le relief inattendu où se trouvent projetées certaines vertus romaines en regard de certains défauts grecs. Ce fut bien l’intérêt et non pas le sentiment d’une vague fraternité de race, qui poussa les Grecs à fréquenter Rome. Cette ville était, en peu de temps, devenue le centre d’une force appréciable, un noyau de travail et de résistance. Le sol rude du Latium, pénible à défricher, convoité pourtant par de turbulents voisins, forgea rapidement des soldats-laboureurs d’une grande énergie, frustes et sans poésie, âpres au gain et résolus à s’enraciner. D’autre part, en ces parages, les villes n’abondaient guère et ne pouvaient naître. Rome présenta vite l’aspect d’une capitale disproportionnée avec l’Etat dont elle était le centre et qui ne pouvait lui suffire. Il y avait du négoce à entreprendre : les Grecs y accoururent. En plus de certaines denrées nécessaires, ils apportèrent le luxe des paroles agréables et des belles statues. On s’amusa des unes et l’on admira les autres. Le romain marquait dès lors cette qualité fondamentale qu’il faut avoir toujours présente à l’esprit quand on veut sonder les causes de son œuvre et la comprendre, car elle explique le succès et l’ampleur de cette œuvre. Il possédait l’aptitude à apprécier toute invention, tout perfectionnement d’autrui, à les examiner, à s’en assimiler ce qu’il jugeait propre à lui servir. En cela, il ressemblait au Japonais de nos jours. Des circonstances survinrent, de plus, qui favorisèrent les contacts. Ainsi, la défaite des Samnites donna aux Romains une frontière commune avec les riches colonies grecques d’Italie, Tarente, Sybaris, Crotone, Métaponte devinrent leurs voisines immédiates. L’Étrurie s’était laissée pénétrer aisément. Le léger réseau de l’hellénisme s’étendait. Enfin, il y eût à Rome même des représentants qualifiés pour prêcher ses doctrines et répandre son culte.

Le premier, et probablement le plus influent par sa médiocrité même, fut un nommé Andronicos, dont M. Gaston Boissier rappelle dans ses leçons la curieuse histoire. Il était, très jeune, tombé entre les mains des Romains comme prisonnier de guerre. Esclave, son mattre n’avait pas tardé à l’affranchir et tout aussitôt, Andronicos, devenu Livius Andronicus avait ouvert une école. C’était un métier vers lequel penchaient naturellement la majorité des hellènes voyageurs. Le moindre marchand pérorait volontiers sur les choses abstraites et se trouvait toujours disposé à donner à