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Page:Revue pour les français, T2, 1907.djvu/201

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UNE ÉPOPÉE MYSTIQUE

aux pieds et aux mains. À peine put-elle se nourrir et elle dut demeurer misérable dans la chaumière où l’avaient reléguée les événements politiques. Son couvent en effet fut supprimé avec beaucoup d’autres au temps du roi Jérôme et son ordre dispersé. Ces circonstances n’influèrent en rien sur la mentalité de la sœur, non plus que le nombre croissant des curieux qu’attirait sa réputation ni les enquêtes et les contre-enquêtes auxquelles procédèrent successivement à son égard les autorités ecclésiastiques et les pouvoirs publics. Finalement sur l’ordre de l’évêque de Ratisbonne, un homme distingué et respecté, M. Clément Brentano fut choisi pour recueillir les récits de Catherine Emmerich. M. Brentano se dévoua à cette tâche. Il a conté lui-même sa première entrevue avec la sœur. « Je ne remarquai en elle, dit-il, rien de tendre ni d’exalté mais un enjouement naïf souvent aussi un tour qui tenait d’une innocente espièglerie. Tout ce qu’elle dit est prompt, bref, simple, sans retours complaisants sur elle-même. Elle vit au milieu de l’entourage le plus inintelligent et le plus fâcheux, composé de braves gens simples mais grossiers, de visiteurs incommodes et d’une méchante sœur. Toujours malade à la mort, soignée par des mains maladroites et rudes, travaillant, dirigeant tout le ménage, maltraitée par sa sœur comme une cendrillon et pourtant toujours affectueuse et douce, calme et sereine ». M. Brentano notait les paroles de Catherine Emmerich avec la plus scrupuleuse exactitude ; puis il les mettait au clair et lui lisait aussitôt sa rédaction pour s’assurer qu’aucune erreur ne s’était glissée sous sa plume. Assez instruit, M. Brentano ne possédait pourtant pas le premier mot d’archéologie, d’orientalisme ou des langues sémitiques auxquelles les visions de la sœur font de continuelles allusions. Et les notes qu’il ajoute à chaque instant, en marge de son manuscrit pour exprimer son étonnement et ses doutes le prouvent assez. Or, la plupart de ces notes sont sans objet. Vérifications faites, Catherine Emmerich avait vu juste ; et depuis lors les découvertes et les progrès scientifiques n’ont abouti qu’à confirmer son témoignage sur beaucoup de points demeurés obscurs à l’époque où elle vivait.

Mais ce n’est pas là ce que l’on cherche dans cet article à mettre en relief. Laissant de côté la discussion d’un « cas » tout à fait extraordinaire et sur lequel il reste encore assez de documents dans les archives allemandes pour que la science moderne puisse l’étudier à nouveau avec fruit, nous ne voulons que signaler ici