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LE PARSISME

Les cérémonies funéraires sont réglées de façon très curieuse. Rien n’étant plus impur qu’un cadavre, on prend par avance toutes les précautions nécessaires pour en assurer l’isolement. En principe chaque maison doit posséder une chambre affectée spécialement au dépôt des malades irrémédiablement perdus et à l’exposition des morts. C’est là que devront être appelés deux prêtres pour apporter au moribond couché à terre sur un drap blanc la suprême purification du viatique ; c’est là que deux parents veilleront pour lui murmurer dans l’oreille, à la dernière minute, une invocation destinée à faciliter son salut.

Après la fin, personne ne doit toucher le cadavre. Il devient un objet d’effroi, car une abominable druje (sorte de fée) au service d’Ahriman s’en empare aussitôt, prête à sauter sur l’assistance, et lui reste attachée jusqu’au moment dit du « regard du chien. » Un chien « à quatre yeux » — soit tacheté au-dessus de chaque œil — possède seul, en efiet, le pouvoir de chasser la druje : on l’introduit près du cadavre ; il le flaire : elle s’enfuit ! C’est alors qu’on apporte le feu, soigneusement entretenu au moyen d’essences parfumées. La veillée mortuaire dure trois jours pendant lesquels l’âme du défunt est censée tenir encore à son corps et rôder alentour, indécise sur la route à prendre, besoigneuse de prières. Les assistants lui viennent en aide et, ce délai passé, se débarrasseront du cadavre.

Par leur particularité, les cimetières mazdéens jouissent d’une célébrité universelle. À vrai dire ce sont des charniers. Comme l’indique M. Victor Henry dans la savante étude qu’il a consacrée au parsisme, « puisque c’est péché grave d’abandonner un corps mort au fil de l’eau, crime de le confier à la terre, crime irrémissible de le livrer en pâture au feu, puisque les quadrupèdes carnassiers ne le dévoreraient qu’en en semant de toutes parts les débris immondes et vénérables, le dernier et seul parti à prendre était de recourir aux oiseaux de proie. » Pour leur faciliter la tâche, les parsis ont élevé partout de hautes tours rondes, massives, au sommet desquelles une plateforme est construite pour recevoir les corps. On les appelle dakhma. Nous en avons vu un grand nombre, au cours de nos voyages dans l’Asie antérieure : elles présentent toutes le même aspect, quelconque en soi mais terrifiant pour le voyageur informé de leur recel !

Les croque-morts ont seuls droits d’accès dans ces tours. Ce sont eux qui, aux jours des obsèques, dépouillent le corps de ses