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LA POLOGNE INCONNUE

tomber en désuétude. Ainsi voués à la déchéance par la mise en marche de ce cran d’arrêt perpétuel, les Polonais ne progressèrent à de certaines périodes que grâce aux guerres qui interrompaient leurs déplorables palabres — et aussi parce que la Lithuanie, leur rude voisine, fournit pendant près de deux siècles à l’union formée par les deux états la dynastie nationale qui manquait au premier.

Le royaume Lithuano-polonais

Les Piasts pourtant (on désigne sous ce nom la lignée des premiers souverains polonais) avaient bénéficié d’une sorte d’hérédité régulière mais dont, trop souvent, ils détruisaient eux-mêmes les bons effets en morcelant de leur vivant leur héritage ; la loi successorale du partage renversait ainsi à chaque génération l’édifice élevé par la génération précédente. Sous le règne des Piasts, la Pologne avait subi une terrible invasion mongole. Tout avait été dévasté ; un grand découragement s’en était suivi dont l’Église avait su profiter pour accroître sa puissance. Étrange crise morale qui avait précipité les guerriers inquiets vers le cloître et d’où était issue toute une floraison de couvents et d’abbayes. Alors l’immigration étrangère avait comblé les vides ; de nombreux Allemands s’étaient établis à Cracovie et à Posen en même temps que les Juifs, déjà installés dans le pays, profitaient de circonstances si favorables pour accroître leur richesse et fortifier leurs positions. Heureusement un aiguillon salutaire s’enfonçait dans la chair polonaise. À la suite des marchands allemands avaient paru, sur les rives de la Baltique, les premiers missionnaires. L’ordre des Porte-glaives s’était donné pour but la conversion des païens et les Chevaliers teutoniques unis à eux et introduits en Pologne par l’imprudence du prince de Mazovie, Conrad, y avaient acquis des terres. Les Polonais, tout occupés de dévotions et de querelles intestines, auraient tardé à percevoir le péril mais les Lithuaniens se dressèrent en travers d’une invasion à laquelle la croix servait de prétexte et dont le lucre allait s’affirmer de plus en plus comme la véritable caractéristique.

L’unité de la Lithuanie avait été réalisée au début du xiiie siècle par un chef habile et énergique, du nom de Mindvog. Entré en 1252 dans le giron romain et couronné roi au nom du pape, il