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REVUE POUR LES FRANÇAIS

n’avait pas tardé à retourner au paganisme et d’interminables querelles s’étaient élevées entre ses héritiers et les Polonais. Son fils avait pu s’emparer de Kiew qui devait demeurer près de quatre cents ans aux mains des Lithuaniens. Ceux-ci ravageaient d’autre part les terres des Chevaliers et ne cessaient de leur faire la vie dure. Lorsqu’avec Casimir iii s’éteignirent les Piasts et que Louis de Hongrie, élu roi, eut clairement marqué son indifférence à l’égard de ce nouveau royaume, un parti puissant se dessina en faveur du mariage de la princesse Hedwige, héritière du trône, avec le souverain de la Lithuanie, Jagellon. La couronne de Pologne, en ce temps-là, était bonne à prendre ; le règne de Casimir iii avait été sage et fécond ; de grands progrès avaient pu être réalisés au point de vue du commerce et de l’administration ; mais d’autre part l’épée lithuanienne était précieuse à posséder. Jagellon épousa Hedwige et, ayant embrassé le christianisme, fut solennellement sacré à Cracovie. On distribua à son peuple un baptême général. Un prêtre, racontent les satiriques de l’époque, aspergea d’eau bénite les bandes lithuaniennes qui passaient devant lui, donnant à chacune, en bloc, un nom d’apôtre.

L’union des deux États en faisait une des premières puissances du monde. Ce ne fut pas d’ailleurs une union paisible et douce. Jusqu’au jour où la Pologne réussit à s’annexer en quelque sorte la Lithuanie en lui enlevant la plus large part de ses privilèges et de son individualité, bon nombre de querelles de ménage éclatèrent, mais la communauté d’intérêts maintenait quand même le lien indissoluble ; Polonais et Lithuaniens avaient les mêmes ennemis : au sud, les Turcs ; au nord, les Teutoniques. Ces derniers, si épuisés et vaincus qu’ils fussent sortis de la formidable lutte menée contre eux par le premier des Jagellons, n’en tentèrent pas moins un retour offensif à la mort de son successeur Ladislas iii, tué à Varna en combattant contre les Turcs. Mais alors une révolte générale éclata dans les régions encore soumises aux Chevaliers ; on détestait leur cruauté, leurs exactions, leur hypocrisie. Leurs sujets en appelèrent à la Pologne et Casimir iv les ayant réduits à merci, mit fin à leur puissance et occupa tout ce qui est aujourd’hui la Prusse occidentale de Dantzig à Bromberg. Son royaume avait désormais un double accès à la Baltique enclavant ce qui allait devenir le duché de Prusse.