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Page:Revue scientifique (Revue rose), série 4, année 38, tome 15, 1901.djvu/461

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M. JEAN PERRIN. — LES HYPOTHÈSES MOLÉCULAIRES.

grandeur de cette vitesse qui peut atteindre et sans doute dépasser l’effroyable vitesse de 50 000 kilomètres par seconde. L’énergie qui serait développée par l’arrêt subit d’un kilogramme de matière ayant cette vitesse suffirait à porter à l’ébullition l’eau d’un lac ayant 1 000 hectares sur 5 mètres de profondeur.

Aussi les projectiles subissent-ils un choc effroyable contre les parois qui les arrêtent ; un des phénomènes les plus remarquables qui accompagnent le choc est la production de rayons X à partir des régions ainsi bombardées par les projectiles cathodiques.

Quant au rapport il se montre au contraire constant, indépendant de toutes les conditions qui peuvent modifier Seulement ce rapport constant est 1 000 fois plus grand que le rapport défini par l’électrolyse, pour l’ion hydrogène

désigne la masse de l’atome d’hydrogène, c’est-à-dire du plus léger de tous les atomes ; il peut donc sembler naturel de supposer que est supérieur ou égal à et par suite que est au moins 1 000 fois plus grand que En fait, nous allons voir que l’expérience tranche la question dans un sens tout différent.

Pour être renseigné, puisque est maintenant connu, il suffit de mesurer l’un des deux termes du rapport : en fait on a pu mesurer la charge électrique du projectile cathodique.

Cette mesure a porté, non sur les rayons cathodiques tels qu’on les obtient comme je viens de l’indiquer par la décharge électrique au travers de gaz très raréfiés, mais sur une autre espèce très curieuse de rayons cathodiques, obtenus sans utiliser la décharge électrique, par l’action de la lumière sur les métaux. Quand on éclaire par de la lumière violette et surtout par de la lumière ultra-violette, la surface de certains métaux, tels que le zinc ou l’aluminium on constate que cette surface émet des charges négatives. Les charges ainsi émises ont les propriétés des rayons cathodiques, affaiblies seulement par cette cause que leur vitesse est beaucoup moindre[1]. On peut, en particulier, répéter, pour ces rayons la mesure des quantités et La vitesse fut trouvée de l’ordre de 1 000 kilomètres par seconde ; quant au rapport malgré la différence dans le mode de production des rayons, il fut trouvé avoir la même valeur que dans le cas des rayons cathodiques ordinaires. Seulement, cette fois, nous allons pouvoir mesurer la charge

Pour cela au lieu d’opérer dans le vide comme dans les expériences qui précèdent, on opère à la pression atmosphérique, en utilisant une propriété nouvelle des rayons étudiés, propriété que je dois d’abord vous signaler.

Lorsque ces rayons se meuvent dans de l’air très humide, où cependant aucun brouillard ne s’est encore formé, ils provoquent la condensation de la vapeur d’eau en excès et déterminent la production d’un brouillard formé de petites gouttelettes d’eau. Un pareil brouillard se produit au reste non seulement avec des rayons cathodiques, mais aussi chaque fois que le gaz humide est le siège d’une décharger électrique d’origine quelconque. Je veux vous en montrer un exemple. Vous savez que les pointes fortement électrisées laissent jaillir dans l’air des aigrettes visibles dans l’obscurité, par le moyen desquelles l’électricité s’échappe de la pointe. Je vais faire jaillir une semblable aigrette au voisinage immédiat du jet de vapeur qui s’échappe par l’extrémité effilée du col d’un ballon plein d’eau bouillante. L’ombre du jet de vapeur et de l’ajutage dont il sort est projetée par un arc électrique sur ce mur blanc. Maintenant cette ombre est presque invisible, la condensation en gouttes d’eau étant presque nulle dans le jet de vapeur. Mais si je fais jaillir l’aigrette, vous voyez aussitôt cette ombre prendre l’aspect d’un panache d’épaisse fumée. Sous l’action des charges électriques contenues dans l’aigrette, de nombreuses gouttelettes d’eau se sont formées et ont fait un nuage donnant une ombre sur le mur.

On explique cette condensation en admettant que chaque centre chargé attire à lui les molécules d’eau voisines, comme un bâton de résine électrisée les corps légers environnants ; il se forme ainsi autour de chaque charge électrique un cortège de molécules d’eau qui servira de germe à la condensation de la vapeur si celle-ci est en excès dans l’air[2]. Le nombre des gouttes d’eau contenues dans le brouillard est donc égal, d’après cette explication, au nombre des charges électriques qui ont provoqué la condensation.

Revenons maintenant aux rayons cathodiques excités par la lumière. Nous supposerons qu’on donne à l’expérience la disposition représentée schématiquement par la figure 18.

Un pinceau de lumière XX traverse la toile métal-

  1. Lenard, Ann. der Physik, (4) 2, p. 359 ; 1900.
  2. L’existence de germes est toujours nécessaire pour détruire de faibles sursaturations ; comparer les travaux de M. Gernez sur la surfusion ou la sursaturation des solutions.