Sous une divergence précise d’interprétation, on trouve encore ici la conservation en fait d*une caractéristique du mécanisme classique. Le mécanisme ne se borne pas à démontrer qu’une explication mécanique est possible, et à en tracer la structure mathématique ; il essaye de se représenter ce mathématisme formel : c’est un des traits — le plus important peut-être — qui le distinguent de l’école sécession iste. Seulement cette représentation, ce modèle mécanique n’est pas définitif ; il est une hypothèse, et le progrès de la science consiste à améliorer, à compléter cette hypothèse en la transformant. La représentation n’est donc, en tant qu’elle est seulement une figure possible de la théorie entre mille autres, qu’un aspect contingent de cette théorie. Mais, en tant que la théorie ne se développerait pas sans une représentation de ce genre, celle-ci en est une partie intégrante et nécessaire. Autrement dit, si telle hypothèse figurative n’est en aucune façon nécessaire et définitive, si elle n’est qu’une supposition utile momentanément pour le progrès de la science, il est nécessaire, pour un mécaniste, qu’il y ait toujours une hypothèse figurative de ce genre, car la relation que cache le symbolisme mathématique est une relation réelle : on a le droit et le devoir d’essayer de se la représenter sous une forme réelle, d’approcher progressivement la réalité, sans peut-être jamais l’atteindre.
En ce sens, les termes de Poincaré : « nous sommes forcés de les employer », sont bien dans la tradition, le sens et l’esprit du mécanisme traditionnel. Il diffère de cet esprit par la relativité à laquelle il condamne pour jamais ces théories figuratives ; et par là, s’il se sépare nettement du mécanisme ontologique, il s’éloigne beaucoup moins, comme on le verra, de l’évolution actuelle du mécanisme,
16. — En résumé, Poincaré combat le mécanisme cristallisé sous la forme qu’il revêtait dans la première moitié du XIXe siècle, en insistant sur la relativité de la science.
