De tous les savants qui bifurquent dans cette voie, Mach et Ostwald sont peut être ceux qui se sont astreints à analyser de plus près l’esprit qu’elle implique et les raisons qui faisaient abandonner l’ancienne. On suivra surtout, dans l’exposé qui va suivre, les idées de Mach parce qu’elles sont très systématiques et très explicites. On les complétera, quand il y aura lieu, en se référant à Ostwald qui, avec Helm, Planck et Popper, a été un des plus ardents soldats de la cause énergétiste.
1. — À parcourir rapidement certaines parties de l’œuvre scientifique de Mach et des principaux successeurs de Rankine, on serait tenté de croire d’abord que leur conception générale s’approche bien du scepticisme, tout au moins de la conception d’une science formaliste et conventionnelle.
Mach considère, dans tout développement scientifique, une période expérimentale, une période déductive, et une période formelle. Avec les deux premières, nous avons encore un contact avec le réel, quoique, dans la seconde, ce contact paraisse plutôt illusoire : dans cette période, en effet, la science substitue aux faits des images mentales[1] qui dispensent de recourir à l’observation.
Le travail scientifique devient alors essentiellement subjectif : c’est une construction dans l’esprit et par l’esprit ; c’est une œuvre de l’imagination. Le mécanisme traditionnel en est un exemple.
Mais que dire alors, lorsque de la période déductive, nous passons à la période formelle ? Toute préoccupation d’objectivité semble cette fois bannie. On ne cherche qu’à arranger en un tableau synoptique les résultats scientifiques. Et dans cette recherche, on n’a qu’un but : la commodité, l’aisance. Peu importent les phénomènes naturels, leur variété, leur individualité réelle. La science, à ce stade, cherche une construction qui soit aussi uniforme que possible, partant
- ↑ Mach, La Mécanique, tr. fr., p. 397.
