Page:Ribot - Les Maladies de la volonté.djvu/74

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où l’absence de documents psychologiques laisse dans l’embarras et ne permettrait qu’une interprétation équivoque. « Une demoiselle, courtisée par un jeune homme, fut atteinte d’une aliénation mentale dont on ignorait la vraie cause et dont le trait distinctif était une forte opposition de caractère qui ne tarda pas à se transformer en un mutisme morbide. Pendant douze années, elle ne répondit que deux fois aux questions : la première fois, sous l’influence des paroles impératives de son père ; la seconde, à son entrée dans notre établissement. Dans les deux cas, elle fut d’un laconisme étrange, surprenant. »

Pendant deux mois, Guislain se livra à des tentatives répétées pour amener la guérison. « Mes efforts furent vains et mes exhortations sans effet. Je persistai, et je ne tardai pas à constater un changement dans les traits, une expression plus intelligente des yeux ; un peu plus tard, mais de temps à autre, des phrases, des explications nettes, catégoriques, interrompues par de longs intervalles de silence ; car la malade montrait une répugnance extrême à céder à mes instances… On pouvait voir que chaque fois son amour-propre était satisfait du triomphe qu’elle obtenait sur elle-même. Dans ses réponses, jamais on ne remarqua la moindre idée délirante ; son aliénation était exclu-