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JANET. — de la valeur de syllogisme

nons-nous d’abord à l’indiquer ; et, avant d’aller plus loin, examinons la valeur des objections précédentes contre la théorie vulgaire : car il ne sera nécessaire de recourir à une nouvelle théorie que si celle qui est admise paraît insuffisante,

Le nœud de la question est de savoir comment on peut soutenir que la conclusion est déjà dans les prémisses, sans faire une pétition de principe.

Le point vicieux de cette objection, c’est de ne pas voir que la conclusion n’est contenue et accordée dans les prémisses qu’en tant qu’elles sont réunies ; elle ne l’est pas en tant qu’elles sont séparées[1]. Or, dans l’esprit de celui qui nie la conclusion, les prémisses sont séparées l’une de l’autre ; il n’y pense pas en même temps : pour que la conclusion se dégage de ces prémisses, il faut que les deux prémisses soient rapprochées, et ce rapprochement est le fait de celui qui prouve, et non de celui qui nie ou qui doute, ou qui demande une preuve. Sans doute, les deux prémisses sont accordées, mais elles ne le sont que séparément ; c’est de la réunion, qui fait jaillir la conclusion de leur rencontre ; cette réunion conduit donc à une vérité différente de celles qui étaient accordées ; et par conséquent il n’y a pas de pétition de principe, quoique la conclusion soit contenue dans les prémisses.

Prenons un exemple : d’une part, j’accorde que la ligne droite est le plus court chemin d’un point à un autre ; de l’autre j’accorde, que le triangle est une figure qui a trois côtés et trois angles ; je puis certainement penser à l’une de ces propositions sans penser à l’autre ; je puis aussi les penser en même temps sans voir entre elles aucun rapport. Il n’y a là que deux propositions séparées, sans lien logique. Mais, si quelqu’un vient à me faire remarquer que chaque côté du triangle est une ligne droite, je vois aussitôt que c’est un plus court chemin, et par conséquent qu’il est plus court que la réunion des deux autres ; c’est donc là une vérité nouvelle que j’acquiers et qui n’était nullement contenue dans les prémisses séparées, par conséquent, que je n’accordais pas encore ; je ne l’ai accordée que lorsqu’on m’a montré les deux prémisses réunies mais cette concession ultérieure, c’est la conclusion même.

Mill dit qu’une affirmation implicite est une affirmation sans examen et par conséquent une surprise. Nullement, car je peux très bien affirmer une chose sans la penser expressément, et qu’il me suffise qu’on me le fasse remarquer pour que je l’accorde. Quand je pense une notion générale, je pense à tout ce qu’il y a de commun

  1. Cette réponse a été déjà faite par le logicien Morgan. Voir la discussion dans Mill, note, trad. française, p. 235.