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JANET. — de la valeur de syllogisme

sans penser aux applications indéfinies qui peuvent être faites in concreto de ce type générique. Ainsi une ligne droite peut être une rue, une grande route, le côté d’une figure, un rayon lumineux, la direction du fil à plomb, l’axe du corps humain, etc. ; sous toutes ces formes différentes, qui pourront empiriquement me masquer et me faire oublier la vérité générale préalablement admise, la ligne sera toujours un plus court chemin ; or il suffira de me rappeler que toutes ces lignes sont droites pour que j’admette la conclusion. Il n’est donc pas nécessaire que j’aie expérimenté sur toutes les lignes droites possibles, et en particulier sur celles dont il est question ici, par exemple, tel mètre, tel bâton, etc. ; il me suffira que ce mètre, ce bâton, cette rue, ce côté de figures rectilignes soient des lignes droites, pour que j’accorde immédiatement qu’elles sont un plus court chemin.

Si la théorie ordinaire est vraie, il est inutile d’en chercher une autre : examinons cependant celle que M. Mill propose de substituer à la théorie classique. Elle consiste à dire que le syllogisme n’est pas une conclusion du général au particulier, ni encore moins du particulier au général, mais du particulier au particulier.

Par exemple, lorsqu’on veut prouver que Socrate est mortel, on ne parle pas en réalité de tous les hommes, mais de ceux-là seulement qui sont morts jusqu’à présent : et c’est de la mort de ceux-là que l’on conclut à la mort de Socrate. C’est donc comme si l’on disait : A. B, C…N sont morts ; or Socrate ressemble à A, B, C…N ; donc il mourra. Ici, il n’y a point de pétition de principe, parce que Socrate n’est pas compris dans la majeure ; mais alors cette majeure n’est pas universelle, elle est particulière. Je n’ai vérifié le fait que sur un certain nombre d’hommes, quoique ce nombre soit très grand ; mais je passe, en vertu de la similitude des caractères de ces hommes, à un autre homme, non compris parmi eux, et par conséquent je vais du particulier au particulier.

En d’autres termes, le syllogisme n’est qu’une induction : et il n’y a pas d’autre raisonnement possible que celui-là.

Est-ce à dire cependant qu’il n’y a pas de syllogisme proprement dit et qu’il faille supprimer la théorie de la déduction ? Il s’en faut de beaucoup. M. St. Mill admet, aussi fortement qu’aucun logicien (plus même encore que D. Stewart et plus que la Logique de P. R), l’importance et la nécessité de la forme syllogistique ; seulement il pense qu’il faut l’expliquer différemment.

La majeure d’un syllogisme n’est autre chose, suivant lui, qu’un mementomemorandum, un enregistrement de mes expériences passées, memorandum que j’exprime sous forme générale, parce