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Wundt, elles sont agréables d’après Horwicz, elles sont pénibles, et, pour la plupart d’autres psychologues, elles ne sont qu’indifférentes… Certes, ce n’est plus là une question de terminologie, on ne peut pas s’entendre à nommer agréable ce qui est pénible, comme on a pu le faire par rapport à ce qui est simple ou composé. Mais c’est toujours une conséquence d’un défaut d’unité dans l’accumulation des faits, indispensables pour une induction stricte et uniforme. En élaborant ses aperçus généraux, Horwicz pensait à un groupe des sensations, tandis que Wundt s’inspirait par d’autres. Et, comme il n’existe pas une classification vraiment complète de toutes les sensations minima (ce qui ne peut être exécuté que par un travail collectif de plusieurs observateurs), le désaccord persiste.

On trouve le même désarroi, sinon plus grand encore, par rapport à une classification générale de tous les phénomènes psychiques. De sorte que, si l’on met sous les yeux d’un lecteur étranger à la psychologie les meilleurs manuels de cette science « expérimentale », tels que ceux de Bain, de Spencer, de Wundt, de Brentano, de Volkmann, de Carpenter, il y trouvera de si grandes différences dans l’arrangement des matières, dans la prépondérance des unes sur les autres, dans la méthode générale même, qu’il les prendra plutôt pour six sciences différentes que pour six compendiums d’une même science.

Ce reproche ne doit cependant être mal compris. La psychologie a fait des progrès, et c’est dans ce progrès même qu’on peut découvrir une des causes déterminantes du désaccord qui nous choque. Ce phénomène, on l’observe partout, mais nulle part à un pareil degré, et il n’est nullement nécessaire qu’il soit permanent. Le progrès n’est pas synonyme du désordre, et l’ordre se fera, pourvu qu’on y pourvoie.

Ce besoin d’unité, on le sent ; mais, pour le satisfaire, on procède d’une façon individuelle, trop hâtive et peu scientifique. On cherche à trouver par spéculation un seul fait fondamental et typique, pour en déduire tous les autres. C’est ainsi que sont nés les divers systèmes psychologiques portant une empreinte personnelle. Il va sans dire que, étant arbitraires, ils ne pouvaient marcher de concert, et, si l’on demande quel est ce processus primitif et fondamental de la vie psychique, Wundt nous dira que c’est le raisonnement, Horwicz que c’est le sentiment, et Hartmann que c’est la volonté. Et nous voilà arrivés à une pseudo-unité artificielle, vraie sous un certain point de vue, mais fausse sous tous les autres. On voit bien que, par rapport à ces théories, nous nous trouvons dans un état fort analogue à celui où se trouvait la biologie générale au commencement de notre siècle, quand on discutait pour savoir lequel de deux