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TANNERY. — l’éducation platonicienne

Il en résulte que les Pythagoriciens devaient regarder le mouvement propre du soleil sur son orbite comme moins rapide que celui de la lune, et en thèse générale, considérer les vitesses propres des planètes comme décroissant à partir de la terre[1]. En arrivant à la sphère des fixes, il fallait faire un saut brusque et énorme en sens contraire. Comment soutenir après cela la théorie de l’harmonie ?

Sortir de ces difficultés en mettant en mouvement notre poste d’observation, fut un trait de génie.

Mais pourquoi ne pas se contenter de faire tourner la terre autour de son axe ? Pourquoi, comme Philolaos, lui faire décrire une orbite ? C’est que la seconde idée était, en fait, plus naturelle, pour un ancien qui pouvait la concevoir par analogie avec la circulation des astres, tandis que pour la première aucune similitude pareille ne se présentait à son esprit. Les deux éléments principaux du système étant ainsi déterminés, la riche fantaisie de l’inventeur put faire le reste.

Cette doctrine singulière dut sans doute, dès son apparition, exciter un grand intérêt, et on eut à se préoccuper, sinon de la défendre, au moins de la réfuter ; on dut donc essayer de la mettre en désaccord avec les faits.

La première objection à faire était que, si ce système rendait bien compte du mouvement diurne, il devait apporter des perturbations dans les apparences des mouvements propres ; on eut donc à rechercher en quoi le déplacement circulaire du point d’observation pouvait influer sur les apparences.

Le problème se posait ainsi : Un point A décrit autour d’un centre fixe un cercle donné avec une vitesse donnée. Un autre point B décrit autour du même centre un autre cercle donné avec une vitesse également donnée. Quel sera le mouvement apparent du point B, observé du point A ?

Il était facile de reconnaître par des raisonnements simples que ce mouvement est le même que si, le point A restant immobile, on en observait un mobile décrivant un cercle égal à celui que décrit en réalité le point A, avec la même vitesse, mais dirigée en sens contraire, tandis que d’ailleurs le centre de ce cercle serait animé lui-même autour du centre d’observation d’un mouvement circulaire et uni-

  1. C’est ce qui est supposé implicitement dans les systèmes harmoniques attribués aux Pythagoriciens où les notes les plus élevées correspondent aux astres les plus voisins de la terre ; ils avaient parfaitement reconnu en effet que la hauteur du son dépend de la rapidité un mouvement. Les systèmes où la progression est inverse sont au contraire d’une époque postérieure à Aristarque de Samos (commencement du iiie siècle avant J.-C.), dont les travaux établirent définitivement que le mouvement propre apparent du soleil sur son orbite est plus rapide que celui de la lune.