liste : « Les objets de l’expérience possible sont de pures représentations, qui comme telles n’ont pas d’existence hors de nous. » Voilà pourquoi l’expression « idéalisme transcendantal » arrive si tard en scène, ne se rencontre que dans la dialectique et pas ailleurs, pas même dans l’esthétique, Celle de criticisme au contraire est partout, de la préface aux dernières pages de la Méthodologie. Au reste, on peut le démontrer et M. Benno Erdmann l’a fait ailleurs’, Kant a commencé par l’idéalisme transcendantal : son criticisme en est le développement ultérieur.
En définitive, conclut M. B. Erdmann, « cette hypothèse de l’existence de choses en soi réellement efficientes n’est en rien entamée par les résultats de l’analytique, puisque celle-ci, en établissant l’impossibilité absolue de les connaître, amène Kant à déclarer qu’elles sont les causes inconnues des phénomènes, Nous avons vu de plus qu’en admettant l’existence des choses en soi Kant se met en contradiction avec ses propres théories, et que pourtant cette existence se trouve immédiatement impliquée dans le double concept qu’il se fait de l’objet des sens, postulée par la catégorie même de la réalité. Pour qu’il en soit ainsi, il faut que Kant n’ait jamais songé à révoquer en doute l’existence de ces choses en soi. »
Il serait trop long, et d’ailleurs superflu, d’expliquer le rôle que Kant fait jouer à l’objet transcendantal dans sa cosmologie, Chacun sait que la causalité intelligible opposée à la causalité empirique devient là le concept pur de liberté, simple idée transcendantale.
Il est plus intéressant de signaler au lecteur les restes de conceptions monadologiques que renferme encore, comme un alliage étrange, la Critique de 1781. Kant, on vient de le voir, applique ouvertement aux choses en soi la catégorie de l’existence et celle de causalité, Mais clandestinement toutes les catégories reviennent à la suite des premières : c’est ainsi que Kant reconnaît la multiplicité des choses, leur réalité, leur substantialité, et le reste, sans l’avouer. Il est vrai qu’il croit s’en tirer en disant que tout cela est problématique, logiquement possible, et rien de plus. Mais il est manifeste que cette sage réserve, imposée par la déduction, est pour Kant une sorte de violence intellectuelle.
Au total, le résultat de cette philosophie de la raison pure est négatif. La critique n’accroit point notre savoir : elle nous met en garde contre des erreurs.
(La fin prochainement.)
