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BIBLIOGRAPHIES. — G. PIOLA. Forza e materia.

sont trop brèves ; ses exposés sont parfois très insuffisants. Il prête par exemple aux matérialistes le raisonnement suivant : Il s’agit pour combattre les spiritualistes de montrer que si l’on donne une âme à l’homme il faut en donner une à toute chose, M. Conta passe donc assez heureusement d’ailleurs de l’homme aux animaux supérieurs, puis aux animaux inférieurs ; il arrive enfin à l’extrémité du règne organique et à la monère. « Mais la monère, qui, d’après une opinion accréditée, naît par génération spontanée de l’eau de la mer, est un petit globule homogène et quasi liquide, qui ne diffère presque pas de l’eau dans laquelle elle vit. Si l’on va jusqu’à attribuer des facultés psychiques à cet être, il n’y a aucune raison de ne pas en attribuer aussi à l’eau, etc. »

Disons au moins, en terminant, que le livre de M. Conta est intéressant, fort clair en général, souvent ingénieux et parfois profond. Signalons entre autres quelques pages excellentes (sauf une réserve qu’on pourrait faire) sur les rapports de l’esprit et du corps. M. Conta reprend et développe la théorie exposée dans cette Revue même par M. Taine. Son exposition n’a que le défaut d’être trop écourtée, pour l’importance de la question, qui n’est pas assez approfondie.

Fr. Paulhan.

Giuseppe Piola. — Forza e materia. Discorsi indirizzali ai nostri studenti di philosophia. In-8, 220 p. Milano, Ulrico Hœpli, 1879.

M. Piola examine dans ce livre quelques-unes des principales questions de la métaphysique. Le premier chapitre est consacré à la matière, le second à la force, la troisième à l’unité, au nombre, à l’infini, le quatrième à l’idée et à l’espèce, le cinquième au transcendant. L’auteur a surtout en vue de combattre le matérialisme et le panthéisme allemands ; il se refuse à accepter sans examen une opinion quelconque, même si elle arrive de Berlin, « que l’on appelle la capitale de l’intelligence. » — Après avoir examiné, il rejette. Voyons brièvement les conclusions auxquelles arrive M. Piola dans ses premiers chapitres ; j’insisterai un peu plus sur les deux derniers.

L’une des principales idées du livre de M. Piola est qu’il faut chercher le principe, la cause d’une chose dans un ordre de faits entièrement différents. Ainsi le principe de la matière, l’élément originaire ne peut être la matière elle-même ; on ne peut l’atteindre par exemple, en divisant un corps, et en subdivisant ses parties, quelque loin qu’on pousse cette division. Il faut venir à cette conclusion que l’élément originaire des corps est inétendu. Si, distinguant la matière du corps, ce que Büchner a tort de ne pas faire, on appelle matière le principe qui forme l’être des corps, la matière est inétendue, l’inétendu étant la négation de la nature des corps. De plus, ce qui est la négation de la nature des corps, nous l’appelons esprit ; ainsi, la matière entendue comme un sujet, comme un être, est un principe spirituel.