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gouvernement. « Le gouvernement, voulant ruiner les projets ambitieux des Infants de la Cerda et de leurs nombreux partisans, ne put se dispenser de s’attacher ces assemblées. Les querelles de la minorité D’Alphonse XI favorisèrent plus que jamais les prétentions du tiers-état. Chacun des candidats à la régence fit une cour assidue aux autorités municipales dans l’espoir d’obtenir les suffrages nécessaires. » Ce qui montre que tous ces progrès furent la conséquence du développement industriel, c’est que, beaucoup de villes associées sinon la plupart avaient pris naissance à une époque précédente par la colonisation à nouveau de régions désolées par les longues guerres des Maures et des chrétiens ; que les poblacions ou communautés de colons, qui, répandus sur de vastes territoires, formèrent des villes prospères, s’étaient formées de serfs et d’artisans auxquels des chartes royales avaient octroyé divers privilèges, y compris celui de se gouverner elles-mêmes. À ces divers exemples il faut en joindre un que tout le monde connaît en Angleterre. En effet, ce fut durant la lutte entre le roi et les barons, quand les factions se faisaient à peu près équilibre, et que les populations des villes s’étaient tellement augmentées par le commerce, que leur concours avait de l’importance et qu’elles pouvaient jouer un rôle appréciable, en premier lieu comme alliés à la guerre, et ensuite comme participant au gouvernement. On ne peut douter que lorsque le parlement de 1265 fut convoqué, où prirent place non seulement des chevaliers du comté, mais des députés des villes et des bourgs, Simon de Montfort n’eût le désir de se fortifier contre le pouvoir royal soutenu par le pape. Qu’il ait voulu augmenter le nombre de ses partisans ou se procurer des ressources d’argent plus abondantes, ou qu’il ait recherché ces deux avantages à la fois, il faut également admettre que les populations urbaines étaient devenues une partie relativement importante de la nation. Cette interprétation est en harmonie avec les événements subséquents. En effet, si la représentation des villes fut supprimée quelque temps après, elle ne tarda pas à reparaître, et elle fut rétablie en 1295. D’après Hume, une telle institution « n’aurait pu arriver à un développement si vigoureux, ni fleurir au milieu de tempêtes et de convulsions », si elle n’avait pas été de celles « auxquelles l’état général des choses avait déjà préparé la nation. » Mais il convient d’ajouter que cet « état général des choses », c’était l’augmentation de la masse, et par conséquent de l’influence, des communautés industrielles libres.

Nous trouvons la confirmation de nos idées dans les faits où l’on voit que la puissance gagnée par le peuple à l’époque où le pouvoir du roi et celui de l’aristocratie se trouvaient diminués par leurs dis-