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A. ESPINAS. — la philosophie en écosse

dans l’organe, comme la saveur, l’odeur, le son, la chaleur, et celles qui sont nécessairement rapportées à un objet extérieur, comme les impressions tactiles ; les premières sont de simples affections de l’organe ; elles n’ont réellement d’existence qu’en lui ; les secondes se rapportent à un existence indépendante, celle de la matière, qui se réduit à l’impénétrabilité et à l’extension C’est un idéalisme mitigé. En ce qui concerne plus particulièrement le sens de la vue, Smith pense que la perception de la distance est native, du moins qu’elle existe à un faible degré chez l’enfant comme chez les jeunes des animaux, seulement qu’elle se développe plus tard chez l’enfant, en raison des soins dont il est entouré. Les autres sens peuvent aussi nous fournir quelque vague sentiment de l’extériorité ; leur exercice en effet, antérieurement à toute expérience, est toujours accompagné d’appétition ou de répulsion par rapport à un objet situé hors de nous, ce qui implique quelque idée de tendance, de direction vers un point ou d’éloignement à partir de ce point, c’est-à-dire quelque idée de distance. L’ensemble de cet article manque peut-être d’originalité et de profondeur, mais les observations qui le terminent sur les perceptions des animaux semblent extraites d’un chapitre de Bain ; c’est une excellente étude de psychologie comparée.

L’invention ne manque pas dans les traités où Smith expose à grands traits ses vues sur le développement de l’esprit humain et son idée de la science. Suivant lui, si l’on en croit le témoignage d’un de ses auditeurs et de ses amis, la rhétorique, dans laquelle la linguistique est comprise, offre la meilleure préparation à la logique. « La meilleure méthode pour expliquer et analyser avec clarté les diverses facultés de l’esprit humain (partie la plus utile de la métaphysique) se fonde sur un examen attentif des artifices du langage, des moyens divers de communiquer nos pensées parla parole et en particulier des principes par lesquels les compositions littéraires peuvent plaire et persuader. » Aussi la plus grande partie de son cours de logique était-elle occupée par l’étude de la rhétorique. Ses Considérations sur l’origine et la formation des langues (publié avec la Théorie des sentiments moraux, trad. de Madame Condorcet, 1830, t. II) renferment au milieu de théories nécessairement hypothétiques des vues justes sur le développement de l’esprit humain, qui va, dit-il, du particulier au général, de concret à l’abstrait, sur l’inanité des systèmes qui accordent une valeur ontologique aux espèces ou universaux et sur la difficulté extrême qu’ont rencontrée les premiers hommes à concevoir les abstractions précises, comme les idées de nombre. « II est possible que, à l’origine grossière des langues, one, two et many aient suffi aux hommes pour exprimer toutes les distinctions de nombre