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Schelling n’en parle qu’avec enthousiasme : « L’art n’a pas pour but de façonner de belles apparences, de montrer des images trompeuses de la réalité. La plupart des hommes le regardent comme un pur agrément, un délassement, un repos de l’esprit fatigué des travaux sérieux, une émotion agréable. Tel n’est pas l’art dont je parle, cet art saint, qui, selon le langage des anciens, est une révélation des mystères divins, une manifestation des idées, de la beauté immortelle dont le rayon non profané illumine seulement les cœurs où elle habite. L’art est une manifestation de l’absolu, émanée de son essence. » (Écrits phil., tr. fr., 215.)

Quelle place, dans cette évolution, le comique lui-même, comme une des formes de l’art, va-t-il occuper ? Cette forme doit avoir un rang très élevé. Venant après le tragique, elle lui fait opposition ; mais elle aussi doit être conciliée. Elle est une des fleurs de l’arbre et la dernière éclose. La question du comique n’apparaît guère en effet, dans Schelling et dans les écrits de ses disciples, qu’au dernier terme de l’évolution de l’art, dans la théorie du drame ou de la poésie dramatique (voy. Œuvres, T. V). C’est là qu’elle est traitée ; elle l’est non avec beaucoup d’ampleur et de détails, mais avec l’importance qui lui revient et qui doit lui être assignée. Le comique, dans l’art, succédant au tragique forme, on l’a dit, avec lui une opposition mais qui doit être conciliée, de même que le tragique, qui est une des formes du sublime, s’oppose au beau ou au laid et réclame la même conciliation. Le tragique étant l’objectif, le comique sera le subjectif. Il y a plus : ce sera la dernière forme de la subjectivité dans l’art. Comme toute forme réelle exprimant un des côtés de l’absolu, il sera la subjectivité infinie, formule adoptée par tous les esthéticiens de cette école et par ceux de l’école qui vient après et où l’idéalisme se continue (voy. Vischer).

C’est cette formule qu’il s’agit d’expliquer et de motiver, puisqu’elle est regardée comme définitive par les partisans de cette philosophie et de l’esthétique qu’elle a engendrée.

Il faut l’avouer, le langage du promoteur de ce mouvement dans la philosophie allemande et celui de ses disciples n’est pas très propre à dissiper les nuages qui obscurcissent la pensée. Sur ce sujet comme sur tant d’autres, on voudrait moins de laconisme, moins de métaphores mêlées aux formules abstraites, plus de développements, au lieu de la répétition des mêmes termes consacrés, un peu vides comme ceux-ci : « Le comique, succédant au tragique, apparaît comme la liberté succédant à la nécessité et réintégrée dans la nécessité. »

Schelling y voit le retour à l’harmonie intérieure après la scission ou la contradiction au sein de l’unité sortie d’elle-même et ayant