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Ce qui caractérise, on le sait, ce mouvement philosophique au sein de la philosophie allemande, c’est le besoin d’une méthode exacte et rigoureuse, qui régularise la pensée et lui donne la forme scientifique étrangère à la spéculation antérieure. La dialectique hégélienne répond à ce besoin. Avec elle, il faut sortir de ces généralités vagues, de ces formules sans cesse répétées qui alternent et se répètent, sans rien préciser ni expliquer : le positif et la négatif, l’objectif et le subjectif, etc. ; il faut entrer plus avant dans le détail des formes particulières, et à l’analyse de ces formes joindre la synthèse qui les enchaîne fortement entre elles, les coordonne pour en former un tout régulier et un véritable système. Le côté historique lui-même, marqué et indiqué plutôt que précisé, devra être étudié dans les riches développements auxquels il se prête avec la même méthode. Il doit prendre une extension considérable et faire le mérite principal des travaux de cette école.

Si l’on considère à ce point de vue, la théorie du comique telle qu’elle a été donnée dans tout ce qui précède et en particulier dans le précèdent système, on verra ce qui lui manque et dans quel sens elle doit être poursuivie.

Le principe métaphysique d’abord aurait besoin d’être éclairci et dégagé des nuages qui le laissent à peine entrevoir ; mais nous n’osons guère espérer que ces nuages tout à coup se dissipent. Le formalisme va continuer. Nous craignons que les nouvelles formules ne l’obscurcissent encore. Peut-être les disciples seront-ils clairs ici que le maitre, plus heureux dans leurs essais pour le modifier ou l’expliquer. Toutefois, dans le mouvement dialectique de l’idée, le comique aura sa place mieux déterminée et plus précise ; il sera réintégré comme un des moments ou des déterminations de l’idée du beau dont lui-même fait partie essentielle dans son évolution. Cette idée, il lui manque, surtout à ce point de vue, d’être mise en rapport avec d’autres idées avec lesquelles on ne voit pas bien la liaison, celle du sublime et du laid en particulier. Les efforts de la dialectique devront se porter de ce côté ; nous pouvons espérer qu’ils ne seront pas infructueux.

Un côté faible de cette-théorie, quoique beaucoup ait été fait dans les précédentes écoles, est, avec une analyse incomplète des formes du risible, du ridicule et du comique, une systématisation et une coordination véritable de ces formes. L’école nouvelle ne peut manquer de la donner, au moins de la tenter.

Dans la théorie de l’art en général, le rôle du comique a été marqué ; son rang élevé comme dernière fleur de l’art lui a été assigné. Mais ce rôle est-il bien déterminé ? Des formules comme celles du