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velles. Ce qui s’y passe n’est qu’un ferment, où les germes d’une cristallisation future sont à peine visibles ; les anciens « types » disparaissent pour faire place à des types nouveaux encore indistincts et confus. L’observateur le plus impartial aurait peine à se rendre compte de ce mouvement si intéressant, mais si compliqué, au milieu du désordre actuel dans les idées, à travers le rempart des rivalités personnelles, des disputes journalières et des critiques précoces. Miloslawski ne manque certainement ni de finesse ni de calme ; son attitude impartiale est ce qui le distingue des autres philosophes russes, dont le plus grand nombre joint l’ignorance et la présomption à des préjugés inconcevables. Jamais encore il ne nous est arrivé de lire un ouvrage russe où le mouvement philosophique à l’étranger fût jugé avec moins de prévention. À cet égard, Lessewitch lui-même, tout modéré qu’il se dise, ne saurait lui être comparé.

L’ouvrage de Miloslawski se compose de quatorze études. La première est consacrée à caractériser l’état actuel de la philosophie et de la métaphysique pure dans les universités allemandes. Nous accordons que les cours de cette dernière y sont de plus en plus délaissés ; mais que l’enseignement de la métaphysique soit devenu en Allemagne purement officiel et n’y ait plus que la valeur d’un souvenir archéologique, ceci nous semble une exagération. Est-il possible d’appliquer cette définition à tous les cours de métaphysique en général ? Pour n’en citer qu’un seul, celui du professeur Lotze à Gœttingue ne méritait guère, par la grandeur de ses aperçus, par la fraîcheur et l’originalité de ses idées, d’être classé parmi des souvenirs archéologiques.

La seconde étude, ayant pour objet la métaphysique considérée comme science distincte est très intéressante, malgré ses longueurs. L’auteur nous avertit de ne point confondre l’ancienne métaphysique scolastique avec les questions métaphysiques en général. Toute surannée que puisse être la première, les secondes ne vieilliront jamais. Après avoir démontré que la science positive a recueilli tous les problèmes dont s’occupait jadis la métaphysique, il déclare qu’une science métaphysique différente du type scolastique et conforme aux exigences du savoir moderne est non seulement possible, mais qu’elle est même indispensable au progrès de ce dernier. Tel est le résultat auquel aboutit notre auteur. Cette manière d’envisager les choses, si simple en apparence, mais en réalité si rare partout et particulièrement en Russie, lui fait honneur ; nous souhaitons aux philosophes russes d’y réfléchir un peu. N’allons pas cependant jusqu’à lui décerner un brevet d’originalité et d’invention. Un célèbre positiviste anglais, M. Lewes, nous a donné dans son dernier ouvrage, Problems of Life and Mind, l’exemple édifiant d’une modification sensible dans ses opinions, en ramenant au sein de la spéculation les problèmes métaphysiques qu’il avait injustement dédaignés.

Miloslawski consacre le troisième essai à la description des cours de