Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 12.djvu/309

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
305
ANALYSES. — TISSOT. Philosophie naturelle.

hypothèses douent le milieu imaginé de propriétés absolument en désaccord avec celles des fluides que nous connaissons, ce qui entraîne à faire développer et varier constamment dans ce milieu, à la surface des anneaux-tourbillons, des forces d’une essence complètement mystérieuse, C’est être infidèle au principe fondamental de la thèse mécanique.

Pour s’attribuer ainsi le droit de créer des forces d’élasticité avec des formules mathématiques, ce n’était point la peine de nier les forces à distance, qui n’ont point d’autre origine. Il faut s’en tenir aux seuls faits précis sur le phénomène du choc, à savoir qu’il y a communication de mouvement au contact, que cette communication ne se fait qu’à la suite d’une compression réciproque et momentanée des deux mobiles entrechoqués, et qu’à tel degré de compression correspond telle quantité de force vive interchangeable.

Si nous examinons maintenant l’anneau-tourbillon au point de vue expérimental, c’est-à-dire en mouvement dans un milieu discontinu, la question change ; nous n’avons plus devant nous une fiction, mais un fait qui peut servir de base à une hypothèse, et celle-ci peut paraître séduisante en ce qu’elle offre un moyen de concilier la divisibilité indéfinie de la matière, conséquence logique de la thèse mécaniste, avec la réclamer les lois de la chimie. Que le milieu soit constitué d’une infinité d’anneaux-tourbillons de divers ordres de grandeurs, en tant que les phénomènes des chocs entre ces anneaux peuvent être soumis à des lois permettant leur indestructibilité, la représentation objective peut être satisfaisante. Chacun de ces tourbillons, jouant le rôle d’atomes, offre un point fixe où se repose l’imagination, qui n’a pas besoin d’aller au-delà. Mais la raison ne s’arrête pas ; chacun de ces tourbillons impérissables lui apparaît comme un monde en soi, fermé pour l’extérieur, mais, en fait, aussi complexe, aussi inexplicable que le nôtre. On a reculé les limites de la difficulté, on ne la fera pas disparaître.

Quoi qu’il en soit, acceptons l’hypothèse de M. Tissot et voyons comment il la complète. Ces tourbillons, que nous pouvons désigner désormais sous le nom d’atomes, sont de trois ordres de grandeurs.

Le premier est celui des atomes de la matière pondérable et chimique, qui sont à des distances relativement grandes par rapport à leurs dimensions. Quoique leur substance soit une, leur masse ne dépendant que de leur volume constant, les différences des éléments mathématiques qui déterminent leur forme et leur énergie tourbillonnaire distinguent la nature chimique des corps simples, nature qui est invariable.

Le second ordre de grandeur d’atomes offre des dimensions négligeables par rapport à celles du précédent. Ces seconds atomes, à la différence des premiers, sont serrés les uns contre les autres de façon à n’offrir entre eux qu’un jeu très faible. Ils constituent l’éther gravifique, c’est-à-dire le milieu qui sert à expliquer particulièrement la gravitation.