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de ses découvertes de génie, comment Leibnitz, dis-je, fut le philosophe vers lequel Lotze se sentit attiré et dont les ouvrages lui fournirent le moule pour son propre système du monde.

C’est en débutant ainsi que Lotze arriva au milieu des partis philosophiques à la position qu’il occupa vers le milieu des années 1850-1860, lorsqu’il expliqua dans les Ouvrages polémiques (Streitschriften, Leipzig, 1857) la marche de son développement intellectuel, suivant à peu près la direction réaliste de la philosophie allemande, lié avec les chefs de l’école de Herbart, qui représentait cette direction, regardé par beaucoup comme un disciple même de Herbart. À la vérité, Lotze n’a pas étudié à l’école de Herbart, et il n’a jamais pu s’assimiler la substance des doctrines particulières à ce philosophe. Mais il a toujours reconnu sans restriction les mérites de Herbart au point de vue de la méthode et de la didactique. Il a toujours regardé comme la gloire immortelle de ce philosophe et de son école d’avoir habitué de nouveau la philosophie allemande à l’ordre et à la discipline après qu’elle eut perdu de plus en plus le caractère d’une science à l’école de Hegel et de Schelling, et surtout d’avoir fait pénétrer en elle la conviction qu’avant tout elle doit être une recherche scientifique. Car la philosophie ne commence pas par la possession de la vérité ; elle commence par les doutes, les obscurités, les contradictions qui oppriment l’âme humaine et réclament une solution. Il faut donc distinguer expressément deux choses : la recherche qui se propose d’abord d’arriver à la vérité, et l’exposition qui donne ensuite à la vérité acquise la forme systématique. Aussi l’idéalisme, quand même il aurait complètement raison au fond, doit être rejeté au point de vue de la méthode. D’où sait-il tout ce qu’il dit ? quelle est la raison suffisante des assertions qu’il émet dès le début sans plus d’explication ? Débuter ainsi de suite avec ce principe unique, absolu du monde et de son développement, ce serait peut-être un début convenable si nous étions des dieux, mais non, en tant que nous sommes des êtres finis, qui ne sont pas placés au centre de la création, mais excentriquement, au milieu du chaos des productions isolées de cette création. Lotze s’est trouvé absolument d’accord avec Herbart et son école dans cette conviction et dans cette persistance à enseigner que la philosophie doit avoir le caractère scientifique, que la philosophie doit être une science et le devenir toujours davantage.

Les études de Lotze furent couronnées d’un succès rapide et brillant. En mars 1838, il obtint le grade de docteur en philosophie, le 17 juillet 1838 celui de docteur en médecine (dissertation : De futuræ biologiæ principiis philosophicis). Après un court séjour à Zittau