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toutes les sociétés militantes montrent la structure qui leur est propre à l’époque où leur développement est complet. Il est bien plus naturel d’admettre que dans la plupart des cas nous trouvions cette structure à l’état incomplet.

En présence de ces difficultés, la meilleure méthode sera d’examiner d’abord les divers caractères que le militarisme doit produire nécessairement, et ensuite de rechercher jusqu’à quel point ces caractères se montrent conjointement chez les nations militaires du passé et du présent. Après avoir considéré la société idéalement organisée pour la guerre, nous serons capables de reconnaître dans les sociétés réelles le caractère auquel la guerre a donné naissance.

Pour conserver sa vie corporative, une société est obligée à une action corporative ; il est probable que plus elle aura rendu son action corporative complète, plus elle conservera sa vie corporative. Pour l’offensive et la défensive, il faut que les forces des individus se combinent ; et, lorsque chaque individu y va de toutes ses forces, il y a grande chance de succès. Le nombre, la nature et les circonstances demeurant égaux, lorsque deux tribus ou deux grandes sociétés en viennent aux prises, s’il en est une qui unisse les actions de tous ses hommes valides, tandis que l’autre ne le fait pas, c’est d’ordinaire la première qui a la victoire. Les sociétés chez lesquelles la coopération militaire est universelle doivent être celles qui survivent.

Cette proposition a l’air d’une banalité. Mais il est nécessaire de dire ici avec netteté, et comme préliminaire, que la structure sociale issue par évolution du militarisme chronique a pour caractère que tous les hommes propres à porter les armes agissent de concert contre les autres sociétés. S’ils vaquent à d’autres fonctions, ils peuvent s’en acquitter isolément ; mais, pour celles-ci, il faut qu’ils agissent à l’état d’union.

La force conservatrice d’une société sera d’autant plus grande qu’au secours direct de tous les hommes en état de porter les armes, s’ajoute le secours indirect de tous les individus qui ne le sont pas. Toutes choses égales, les sociétés qui survivront seront celles dans lesquelles les efforts des combattants seront secondés par ceux des non-combattants. Dans une société purement militaire, les individus qui ne portent pas les armes doivent consumer leur existence à entretenir celle de ceux qui combattent. Soit que, comme au début ; les non-combattants ne comptent que des femmes ; ou que, comme plus tard, cette classe comprenne des captifs réduits en esclavage ; ou que, comme à une époque plus avancée, elle comprenne des serfs, ses obligations sont les mêmes. En effet, si, dans deux