aussi connu, c’est que les femmes, occupant une position servile, font tout le travail grossier et portent les fardeaux ; joignez-y cet autre fait que fréquemment, durant la guerre, elles portent les vivres, comme en Asie chez les Khonds et les Bhils, comme dans la Polynésie chez les naturels de la Nouvelle-Calédonie et ceux des îles Sandwich, comme en Amérique chez les Comanches, les Mundrucus, les Patagons : ces exemples établissent nettement leur rôle à titre d’intendance militaire permanente. Nous avons vu aussi que, lorsque l’usage de réduire les prisonniers en servitude a pris naissance, ceux-ci servent d’appui et d’auxiliaires à la classe des combattants ; ils remplissent durant la paix le rôle de producteurs, et durant la guerre ils secondent les femmes dans le service de l’armée, par exemple chez les naturels de la Nouvelle-Zélande, ou chez les Malgaches, où la charge de porter les provisions leur incombe exclusivement, etc. Ajoutons que dans ces phases primitives, comme dans les plus récentes, nous voyons que les droits privés sont, dans le type militaire, effacés par les droits publics. La vie de chaque homme demeure sujette à des besoins du groupe ; enfin, sa liberté d’action est implicitement pareillement sujette. Il en est de même de ses biens. Chez les Indiens du Brésil, par exemple, la propriété privée, reconnue jusqu’à un certain point durant la paix, ne l’est plus du tout durant la guerre. Au rapport de Hearne, chez certaines tribus hyperboréennes de l’Amérique du Nord, quand on va faire la guerre, « la propriété de tout genre, susceptible d’être employée à un usage général, cesse d’être privée. » Ajoutons ce qui est un principe cardinal, que nous répétons encore une fois, à savoir que, lorsqu’aucune subordination politique n’existe, la guerre l’inaugure. Tacitement ou ouvertement, on reconnaît pour un temps un chef, et il acquiert un pouvoir permanent si la guerre continue. Laissons ces commencements du type militant, dont les petits groupes nous montrent des exemples, et passons aux formes avancées du type que nous observons dans les grands groupes.
« L’armée, ou, ce qui revient à peu près au même, la nation du Dahomey, » pour citer textuellement Burton, nous en offre un bon exemple. L’esprit belliqueux est poussé à l’excès dans ce pays, où la chambre à coucher du roi est pavée de crânes d’ennemis. Le roi y est absolu et y passe pour posséder un caractère surnaturel ; il est l’esprit. Naturellement il est le chef religieux : il ordonne les prêtres. Il absorbe en lui-même tous les pouvoirs et tous les droits : « en vertu de la loi de l’État du Dahomey…, tous les hommes sont les esclaves du roi. » Il est l’héritier de tous ses sujets ; et il prend à ses sujets vivants tout ce qui lui convient. Ajoutons qu’il fait sou-
