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James Sully.On illusions, a psychological study. In 8o, 372 p. London, Kegan Paul (International scientific series).

Le nouveau livre de M. J. Sully se recommande, comme tous ceux du même auteur, par une méthode d’exposition nette et sobre, et par une grande finesse d’observation. Le sujet est, de sa nature, un peu vague, assez mal délimité, et ce n’est pas un faible mérite à nos yeux d’avoir su y mettre tant d’ordre et de clarté que le lecteur même un peu inattentif ne court jamais risque de s’égarer.

L’auteur nous prévient d’abord qu’il a entendu traiter son sujet d’une manière « strictement scientifique », c’est-à-dire « donner une description et une classification des erreurs reconnues et les expliquer en les rapportant à leurs conditions psychiques et physiques ». À part le dernier chapitre, l’ouvrage est donc une monographie de ce fait psychologique qu’on appelle l’illusion.

Que faut-il entendre par illusion ? Le sens commun, qui n’entend rien aux distinctions fines, est porté à tirer une ligne de démarcation tranchée entre là région de l’illusion et celle de l’intelligence saine. À ce compte, l’illusion serait une chose essentiellement anormale, voisine de la folie ; et l’étude de sa nature et de son origine appartiendrait surtout à ceux qui observent les phénomènes de la vie anormale. Mais l’illusion est un fait général et de tous les instants, Une fatigue momentanée des nerfs, un peu d’excitation mentale, un relâchement dans l’attention peuvent produire chez chacun de nous la même espèce de confusion entre le réel et l’imaginaire que nous observons’chez le fou. Si l’illusion a donc ainsi ses racines dans la vie mentale ordinaire, son étude semble appartenir tout autant à la physiologie de l’esprit qu’à la pathologie, et, pour élucider cette question, la coopération des deux classes d’investigateurs est indispensable.

Dans les ouvrages scientifiques qui traitent la pathologie du sujet, le mot illusion est restreint à ce que nous appelons spécialement les illusions des sens. Il y a pour cela de bonnes raisons, puisque les illusions des sens sont les symptômes les plus palpables, les plus frappants de l’aliénation. Mais l’usage a depuis longtemps étendu ce terme à des erreurs qui ne sont en rien une contrefaçon des perceptions actuelles.

Eu considérant donc l’illusion dans ce sens large, nous pouvons la définir provisoirement : « une espèce d’erreur qui simule la ! forme d’une connaissance immédiate, évidente, intuitive ; soit à titre de perception sensorielle, soit autrement » (p. 6).

Si les illusions sont de faux semblants de connaissance immédiate, la manière la plus naturelle de les classer serait de le faire d’après les divers modes de connaissance qu’elles simulent, La psychologie ; populaire a depuis longtemps distingué dans la connaissance immédiate certaines catégories dont les mieux connues sont la perception et la mémoire. Sans aucun doute, la psychologie scientifique tend, à effacer