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il suffit souvent de donner la forme générale à une proposition pour en découvrir la fausseté. C’est donc là une sorte de contre-épreuve par laquelle il est toujours possible, souvent utile, nécessaire même, quand on veut avoir l’assurance d’une parfaite exactitude scientifique, de faire passer les inférences. Seulement il faut remarquer que, même alors, le cas particulier n’est pas inféré de la proposition générale mais des premières expériences. Le nerf de la preuve, la garantie se trouve, non dans cette proposition, en tant que générale, mais, ici comme partout, dans les faits, les choses qu’elle résume. Au fond, c’est la même chose de dire d’après les cas particuliers observés : Le duc de Wellington est mortel, ou : Tous les hommes sont mortels. Les deux affirmations sont contemporaines et égales ; l’une n’est pas fille de l’autre : elles sont sœurs. « Si de l’observation et de l’expérience on peut conclure à un fait nouveau, on peut par cela même conclure à un nombre infini de ces mêmes faits[1] » — « Un homme donne six sous du même droit qu’il dispose de toute sa fortune ; mais il n’a pas besoin, pour faire légalement le moins, d’affirmer formellement son droit de faire le plus[2]. » En un mot, de quelque manière qu’on comprenne le rôle de la proposition générale, elle n’est pas une partie nécessaire de la preuve : le raisonnement se réduit toujours à une inférence du particulier au particulier : et les faits réels observés dans l’expérience sont les seuls agents de la démonstration.

Par suite, en logique, on devra renoncer à dire que la conclusion est tirée de la majeure : il faudra dire qu’elle est obtenue conformément à la majeure[3].

Par là, on comprend que le syllogisme est théoriquement légitime, pratiquement utile ; il a donc sa place marquée dans la logique de la vérité comme dans la logique de la conséquence.

Mais il n’y doit occuper qu’une place subalterne. Il n’est pas en effet une forme particulière de raisonnement : il n’est qu’un cas de l’induction. Il ne sert qu’à s’assurer que l’inférence inductive a été bien faite ; il légalise le raisonnement, il est une « sûreté collatérale ».

Enfin il ne faut plus dire que le syllogisme repose sur ce principe que ce qui est vrai d’une classe peut être affirmé (ou nié) de tout ce qui est renfermé dans la classe ; le dictum de omni et nullo n’est pas le principe du syllogisme. Le vrai principe est celui-ci :

  1. Log, II, 3, 5. Cf. 7.
  2. Ibid., II, 3, 8.
  3. Log., II, 3, 4.