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HERBERT SPENCER. — la société industrielle

donner l’enseignement gratuit aux gens qui n’épargnent pas pour acheter des livres, ceux qui sont tenus de faire leurs affaires d’après des règlements sous l’œil d’inspecteurs, ceux qui ont à payer les frais de l’enseignement des sciences et des arts par l’Etat, de l’émigration sous la tutelle de l’État, etc., subissent tous des empiétements qui les contraignent à faire ce qu’ils ne feraient pas spontanément où à donner de l’argent qu’ils auraient consacré à des fins propres à leur personne. Les dispositions coercitives de ce genre, compatibles avec le type militaire, ne le sont pas avec le type industriel.

Si le domaine des organismes publics se rétrécit, celui des organismes privés acquiert dans le type industriel une étendue relativement énorme. L’espace laissé vacant par les uns, les autres l’occupent.

Diverses causes concourent à produire ce fait caractéristique. Les motifs qui, à défaut de la subordination nécessitée par la guerre, obligent les citoyens à s’unir pour affirmer leur individualité, soumise seulement à des limites qu’ils s’imposent réciproquement, sont des motifs qui les amènent à s’unir pour résister à tout empiétement sur leur liberté de former toutes les associations privées qu’ils veulent et qui n’ont pas pour but l’agression. En outre, le principe de la coopération volontaire commence par des échanges de produits et de services d’après accord entre individus, mais il se réalise sur une plus grande échelle par tout corps organisé d’individus qui contractent entre eux pour poursuivre telle ou telle affaire, ou remplir telle ou telle fonction. Qui plus est, il existe une compatibilité entière entre les constitutions représentatives de ces associations privées et la constitution représentative de l’association publique qui appartient en propre au type industriel : la même loi d’organisation règne dans la société en général et dans toutes ses parties. En sorte qu’un trait inévitable du type industriel est la multiplicité et l’hétérogénéité des associations religieuses, commerciales, professionnelles, philanthropiques et sociales de toute dimension.

Il faut ajouter deux traits caractéristiques du type industriel qui sont la conséquence du précédent. Le premier, c’est la plasticité relative de ce régime.

Tant qu’une action corporative est nécessaire à la conservation nationale, tant que, pour effectuer la défense ou l’attaque, on conserve la subordination hiérarchique qui lie tous les inférieurs aux supérieurs, comme le soldat à son officier, tant que subsiste la relation d’état légal qui a pour effet de fixer les individus dans les situations où chacun d’eux est né, on est sûr de voir l’organisation sociale conserver une rigidité relative. Mais quand cessent ces besoins qui