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HERBERT SPENCER. — la société industrielle

trielle. D’anciens documents s’accordent avec les journaux du moment pour prouver que jusque-là aucune nation civilisée ou à demi civilisée n’a rencontré des circonstances qui rendissent inutile toute structure sociale propre à résister à l’agression. Les récits des voyageurs venus de toutes les régions nous apprennent qu’à peu près universellement chez les races non civilisées, la guerre entre les tribus existe à l’état chronique. Il y a pourtant un petit nombre d’exemples qui montrent, avec assez de clarté, l’ébauche du type industriel dans sa forme rudimentaire, c’est-à-dire la forme qu’il revêt quand la civilisation n’a fait que peu de progrès. Nous examinerons ces exemples d’abord, et ensuite nous nous occuperons de démêler les caractères distinctifs du type industriel qu’on observe dans les grandes nations où l’activité est devenue principalement industrielle.

Dans les montagnes de l’Inde, on rencontre des tribus appartenant à diverses races, mais se ressemblant en un point, leurs habitudes en partie nomades. La plupart sont agricoles, elles ont l’usage commun de cultiver un coin de terre tant qu’il donne des récoltes moyennes ; et, quand ce sol est épuisé, elles vont recommencer ailleurs. Ces tribus ont fui devant l’invasion d’autres races, elles ont trouvé çà et là des localités où elles ont pu se livrer à leurs occupations sans être molestées immunité qu’elles doivent à leur aptitude à vivre dans une atmosphère malsaine, qui est funeste à l’homme de race aryenne. Nous avons déjà parlé des Bodos et des Dhimals et dit qu’ils sont absolument dépourvus d’usages militaires, qu’ils n’ont qu’un chef nominal, point d’esclaves ni de rangs sociaux, et qu’ils s’entr’aident mutuellement dans leurs entreprises difficiles. Nous avons aussi mentionné les Todas qui vivent paisiblement, qui ne connaissent « aucun des liens d’union que le sentiment du danger porte généralement l’homme à contracter », et qui soumettent leurs différends à l’arbitrage ou au jugement d’un conseil de cinq membres. Nous avons cité les Michmis, peuples non belliqueux, qui n’ont que des chefs nominaux et qui font rendre la justice par une assemblée. Enfin nous avons ajouté un autre exemple, celui d’un peuple d’un pays et d’une race bien éloignés des précédents, les anciens Pueblos de l’Amérique du Nord, qui, abrités dans leurs villages entourés de murs, ne combattant que pour repousser l’invasion, offraient à la fois le spectacle d’une vie industrielle et d’un gouvernement libre « le gouverneur et son conseil étaient élus chaque année par le peuple. » Nous pouvons ajouter divers exemples analogues. D’après le rapport du gouvernement de l’Inde de l’année 1869-70, « les Karens blancs ont un caractère doux et pacifique… leurs chefs sont consi-