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HERBERT SPENCER. — la société industrielle

injures…, ils se font des réparations et des concessions réciproques »[1].

Naturellement, avec ce respect de la personne d’autrui existe aussi le respect de la propriété d’autrui. J’ai déjà dans les préliminaires cité des témoignages en faveur de la grande honnêteté des Lepchas, des Santals, des Todas et d’autres peuplades qui leur ressemblent par la forme de la vie sociale ; je vais en ajouter d’autres. « Dans toutes mes relations avec eux, dit Hooker, les Lepchas se sont montrés d’une honnêteté scrupuleuse[2]. » Chez les Santals, écrit Hunter, « les crimes et les magistrats chargés de les punir sont inconnus[3], » Chez les Hos, qui appartiennent au même groupe que les Santals, dit Dalton, « il suffit que l’honnêteté ou la véracité d’un homme donne lieu à quelque hésitation pour qu’il se tue[4]. » Shortt affirme pareillement que « les Todas, en masse, n’ont jamais été convaincus de crimes atroces d’aucun genre[5]. » Il ajoute que chez les tribus des monts Shewaroy « les crimes graves sont inconnus[6]. » « On n’a jamais accusé les Jakuns d’avoir volé quoi que ce soit, même l’objet le plus insignifiant »[7]. Il en est de même de certains indigènes de la presqu’ile de Malacca qui « sont naturellement façonnés aux habitudes commerciales ». Il n’y a pas de partie du monde, écrit Jukes « …qui soit plus exempte de crimes que le district de Malacca, quelques légers attentats contre les personnes, ou quelques disputes au sujet des propriétés… il n’y a pas autre chose[8]. »

Ainsi affranchis de la règle coercitive que les fonctions guerrières rendent nécessaire, et dépourvus du sentiment qui rend possible la subordination nécessaire, soutenant leurs droits propres tout en respectant les droits semblables d’autrui, ne connaissant point les sentiments vindicatifs que font naître les agressions extérieures et intérieures, ces peuplades, au lieu de la soif de sang, de la cruauté, de l’égoïsme qui foule aux pieds les inférieurs, caractères des tribus et des sociétés belliqueuses, montrent des sentiments d’humanité à un degré inusité. Hodgson insiste sur les qualités aimables des Bodos et des Dhimals et nous dit qu’ils « manquent absolument de celles qui ne sont pas aimables[9]. » Si le Santal « est poli et hospitalier, il

  1. Campbell, loc. cit.
  2. Hooker, Hymalayan Journals, I.
  3. Hunter’s Annals of R. B., I, 217.
  4. Dalton, Desc. Ethn., 206.
  5. Shostt, Hill Ranges of S. S. India, I, 9.
  6. Ibid, II, 7.
  7. Favre, Journal In Arch., Il, 266.
  8. Juke, Voyage of H. S.S. Phys., I, 219.
  9. Hodgson, loc. cit., XVIII, 745.