Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 12.djvu/531

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
527
J. DELBŒUF. — le sentiment de l’effort

qualités auxquelles j’ai préféré donner respectivement les épithètes de cinématiques et d’esthétiques. Les notions cinématiques sont celles de mouvement, de durée, de temps, de vitesse, de longueur, de distance, de direction, de situation ou de lieu, d’espace et de forme. On ne peut imaginer un animal qui n’aurait pas ces idées à un degré plus ou moins obscur, bien que nous concevions sans peine — ce que l’observation vient confirmer — qu’il n’ait ni goût, ni odorat, ni vue, ni ouïe. Il y a donc, dans le sentiment général de l’effort, autre chose que des sensations afférentes. La proposition de M. James ne s’applique qu’à l’effort réalisé et non à l’effort voulu.

Qu’est cependant l’effort en tant que voulu ? Pour moi, je n’hésite pas à y voir une anticipation idéale, une prévision des sensations qui accompagneront l’acte. Vouloir un mouvement, c’est donc se représenter d’une manière plus ou moins vive une certaine somme de sensations dont on a fait l’expérience. C’est par là que l’effort mental est transitif entre le monde interne et le monde externe.

Mais comment se meut-on ? Ce sera l’objet d’une prochaine étude.

J. Delbœuf.