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ANALYSES ET COMPTES RENDUS


Dr Louis Buchner : La vie psychique des bêtes, ouvrage traduit de l’allemand par le Dr Ch. Letourneau, avec gravures sur bois. Paris, Reinwald, 1881.

Le titre de cet ouvrage promet beaucoup. Une psychologie du règne animal ! Ce serait une œuvre capitale au temps où nous sommes. En réalité, il n’est question ici que de la vie psychique « des insectes ou plutôt des arthropodes » (p. xv). Encore ne faut-il pas prendre à la lettre cette déclaration de la préface. Parmi les arthropodes, les crustacés et les myriapodes sont omis. Les arachnides ne sont étudiés qu’en un petit nombre de pages. Et, parmi les insectes, seuls les termites et les hyménoptères sociaux, avec quelques coléoptères que le traducteur appelle on ne sait pourquoi des scarabées figurent dans cette revue.

On ne trouve la raison de ce plan bizarre que quand on est parvenu à se rendre compte de ce qu’a voulu faire l’auteur. En réalité, M. Büchner, bien qu’il traite assez durement les philosophes, est un philosophe lui-même. Son but est de dogmatiser à propos de la vie animale et d’établir une certaine thèse au sujet de l’instinct. Il est vrai que cette thèse est assez obscure tantôt il soutient que l’instinct n’est qu’un mot, tantôt il reconnaît qu’ « il existe incontestablement beaucoup d’actes instinctifs » (pp. 45. 46). Ici, il a recours pour expliquer l’instinct a l’action réflexe, à l’imitation, à l’habitude, au développement raffiné d’un sens spécial, à quelque particularité organique ; là, c’est l’hérédité, c’est l’organisation des expériences individuelles dans le système nerveux des générations successives, qu’il invoque de préférence (pp. 308, 361, 404, 432) dans le cours de son exposition, les faits qu’il rencontre sont rapportés a l’une ou à l’autre de ces causes. Mais sa préoccupation dominante a été sans contredit de battre en brèche la théorie de l’instinct telle qu’elle a été acceptée autrefois, qui fait de l’instinct une cause sui generis succédanée de l’action providentielle contre cette théorie, il a surtout à cœur d’établir que l’instinct n’est que de l’intelligence, inférieure, dit-il, en de certains endroits, supérieure, prétend-il, dans d’autres. L’animal n’est pas l’instrument