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tout point matériel abandonné à lui-même, ou bien reste en repos, ou bien se meut en ligne droite d’un mouvement uniforme, Mais, en physique, nous supposons que le mouvement a lieu dans un milieu, et ce milieu est précisément imaginé pour expliquer, par ses actions, tous les mouvements qui ont lieu dans son sein. Il semblerait donc rationnel de modifier le principe d’inertie en admettant que tout point matériel abandonné à lui-même reste passivement en repos, quel qu’ait été son mouvement antérieur. On aura alors à déterminer les propriétés du milieu, en sorte que son action reproduise, en outre des autres forces à représenter, celle dite d’inertie et correspondant au mouvement antérieur, mais on n’aura plus à se préoccuper de la résistance au mouvement.

Dans l’ouvrage dont nous avons à rendre compte aujourd’hui, M. Eudore Pirmez, membre de la Chambre des représentants de Belgique, arrive aux mêmes conclusions, en partant d’ailleurs de la thèse contraire, car il rejette, quant à lui, le concept de force en tant que représentant une réalité objective ; il n’admet que la matière et la communication du mouvement au contact.

Mais, en adoptant ainsi les hypothèses fondamentales de Secchi, il se trouve du reste ramené dans une certaine mesure aux idées de M. Hirn. Car, pour lui, le milieu éthéré n’a plus au fond la même composition élémentaire que la matière pondérable. Tandis que celle-ci serait essentiellement passive, ce milieu serait, au contraire, essentiellement actif, et ne pourrait être en rien assimlié aux corps de la nature. Il faudrait au reste le considérer comme constitué de telle sorte que, si un mouvement est communiqué à un corps plongé dans son sein, il en résulte une rupture d’équilibre qui tend à se perpétuer et se traduit par l’effet de la conservation de ce mouvement.

Quoi qu’il en soit, la coïncidence de deux résultats obtenus en partant de deux points de vue opposés, et tout à fait indépendamment l’un de l’autre, car M. Pirmez ne paraît nullement connaître l’opuscule de M. Kretz, doit, semble-t-il, donner au moins à réfléchir, et elle peut faire conclure qu’il y a au fond de ces résultats une idée juste et vraie,

Cette idée me semblerait celle-ci : Dans l’explication de la gravitation universelle par l’action de l’éther, on cherche à rendre compte de l’effet statique, tandis qu’il s’agit d’un effet dynamique. On sépare ainsi dans le problème deux éléments qu’il faudrait évidemment réunir dans une synthèse, dont le moyen échappe jusqu’à présent.

Mais la nouvelle formule proposée pour le principe d’inertie ne laisse pas que de soulever de graves difficultés.

Nous avons déjà eu l’occasion d’exposer ce que nous pensions de ce prétendu principe[1]. Il n’est rien de plus pour nous qu’une définition analytique ; on choisit arbitrairement dans les phénomènes de mouvement les conditions dans lesquelles on dit que la force est nulle ; à ce

  1. Revue philosophique, tome VIII, Une théorie de la connaissance mathématique, pages 478-481.