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C. VIGUIER. — le sens de l’orientation

de l’équilibre. M. Cyon, bien que guidé par des idées théoriques différentes, est arrivé à un résultat analogue en sectionnant les trois muscles droits postérieurs du cou d’un chien et en laissant aller la tête, ou la fixant à l’aide d’un collier spécial. Ainsi l’équilibre du corps paraît dépendre de celui de la tête ; mais, pour savoir dans quelle mesure on peut attribuer aux canaux cette importante fonction, je laisserai la parole à M. Spamer, auteur d’un mémoire récent sur le sujet[1].

« Il est hors de doute, nous dit-il, que les canaux membraneux de l’oreille interne et leurs ampoules ont une grande influence sur la sûreté des mouvements. Selon toute vraisemblance, ils n’ont rien à faire avec l’ouïe, La huitième paire de nerfs crâniens, qui se termine du côté périphérique par deux sortes de fibres si visiblement différentes, ne doit plus, comme Flourens le pensait déjà, être simplement dénommée nerf auditif, mais plutôt nerf vestibulo-cochléaire, ou mieux, si l’on ne recule pas devant ce latin barbare, nervus acoustico-æquilibricus[2]. Rien cependant ne nous autorise à les regarder comme l’organe central du sens de l’équilibre. Aucune expérience n’a apporté jusqu’ici rien qui contredise l’opinion si vraisemblable qui fait du cervelet cet organe central, opinion appuyée par tant de recherches et d’observations pathologiques. L’anatomie aussi bien que les faits expérimentaux et pathologiques tendent à démontrer que les canaux constituent un organe périphérique, un organe sensoriel pour le sentiment de l’équilibre (Goltz), un organe du sens statique (Breuer), et veillent à la coordination des mouvements.

« Mais il n’est pas possible de les considérer comme l’unique organe du sens de l’équilibre et de la cordination des mouvements puisque leur entière destruction, chez l’homme, ne lui ôte pas complètement le pouvoir le pouvoir de se tenir debout et de se mouvoir, et que leur destruction expérimentale, chez les animaux, ne détermine pas chez ceux-ci les plus grands désordres d’équilibre que l’on puisse observer ; bien que la faculté motrice soit troublée d’une façon durable ainsi que Flourens et Goltz l’ont déjà constaté. »

À la théorie de M. Goltz viennent se rattacher les hypothèses de MM. Mach, Crum Brown, et Breuer. Tandis que Goltz considérait les canaux comme des organes qui, par les différences de pression exis-

  1. C. Spamer, Experimenteller und kritischer Beitrag zur Physiologie der halbkreisförmigen Kanäle (Pflüger’s Avehiv, 1880, p. 383.
  2. M. Spamer rappelle comme nouvelle preuve à l’appui de cette distinction une observation de M. Ferrier (West Rid. Lun. Asyl. Report, vol. V, p. 24) qui aurait vu l’audition demeurer intacte dans un cas de maladie de Ménière. La perte de l’ouïe, qui est normale dans cette maladie, ne proviendrait donc que d’une inflammation de voisinage.