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Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 14.djvu/298

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dante de toute certitude acquise quant à l’exactitude de la conclusion.

Dans le système de psychologie d’Aristote que nous allons essayer de résumer brièvement, il n’est pas douteux que lé fait fondamental de la connaissance absolue des causes dût être considéré comme un principe indiscutable. C’est par une raison de méthode et non, comme on l’a prétendu, dans l’espoir chimérique de fonder une science de la logique indépendante de toute vue psychologique, qu’Aristote formule les préceptes du raisonnement, sans remettre en question ces data, en dehors desquels sa conception du syllogisme démonstratif ne peut être justifiée.

Ecartons un instant la conception toute moderne du caractère exclusivement pratique de la connaissance. Une idée, suivant les données récentes de la psychologie, est un simple rapport, une loi d’association qui dirige l’enchaînement de nos états de conscience vers une fin déterminée. « Demander si l’idée que je me fais d’une table, de sa consistance, de sa couleur, de son poids est vraie en elle-même, indépendamment de l’usage pratique que je puis en faire, si elle est conforme à l’objet réel, c’est faire une question qui ne présente pas plus de sens que dé demander si un certain son est rouge, jaune ou blanc[1]. »

Bien différent de cette doctrine, qui n’admet dans la connaissance qu’un déterminisme mental, une direction donnée au dégagement de nos activités psychiques, le système d’Aristote repose tout entier sur l’idée de la représentation. On ne peut contester d’ailleurs que ce système ne soit l’un des plus intelligibles et des plus conséquents parmi tous ceux qui, abordant le problème de la connaissance, ne se sont pas bornés à déclarer la difficulté insoluble[2], mais ont tenté une interprétation et, par le rapprochement avec d’autres faits, ont eu pour objet de ramener le phénomène de la perception à des termes connus.

Toute perception suppose une analogie d’existence entré le sujet et l’objet. A l’origine est la sensation, par laquelle ce qui sent devient semblable à la forme sensible des objets : non qu’il soit altéré dans sa nature, mais parce qu’il est en possession d’entrer en acte de façon à reproduire la forme diverse de ces objets. Ce qui existe alors au sein de la conscience, et qui est la conscience même, ne diffère de l’objet extérieur que comme l’empreinte d’un anneau diffère de cet anneau : l’image est la représentation fidèle de l’objet, moins la matière, qui ne peut pénétrer dans l’âme.

  1. Helmholtz, Optique physiologique, partie III, trad. Javal et Klein, p. 580.
  2. Comme le déclare, par exemple, l’École écossaise. Voyez Hamilton, Fragments, trad. L. Peisse, p. 93. Paris, 1840.