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Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 14.djvu/329

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ANALYSES. — A. CHIAPELLI. Panthéisme de Platon.

Au milieu de ces « platonisants », l’ouvrage de M. Chiappelli lui assure incontestablement un rang très honorable, que désignaient déjà ses intéressantes recherches sur l’αἰτία du Philèbe[1]. Nous le disons d’autant plus volontiers que nous avons peut-être de plus graves réserves à faire en face de ses conclusions.

Le but de son travail est l’analyse, la critique et la réfutation des études consacrées à Platon par Gustav Teichmüller. On sait que l’illustre professeur de Dorpat, connu dès auparavant par d’importants travaux sur Aristote, a commencé, depuis près de dix ans, une sérieuse campagne contre les interprétations courantes de Platon. Il soutient vigoureusement une doctrine nouvelle, qui au premier abord peut sembler paradoxale, mais surprend, plus on l’étudie, par l’accord qu’elle établit entre les dialogues réputés les plus inconciliables. Il ne sera pas inutile de marquer les étapes de cette campagne, qui jusqu’à présent n’a point fait, dans la Revue, l’objet d’un examen spécial.

C’est d’abord l’Histoire du concept de la Parousie (Halle, Barthel, 1873), où la thèse de l’immanence des idées est soutenue et commentée ; puis les Études pour l’histoire des concepts (Berlin, Weidmann, 1874), où la doctrine platonicienne de l’immortalité de l’âme reçoit une nouvelle interprétation, où, d’autre part, les critiques d’Aristote contre Platon sont soumises à un lumineux examen ; la Question platonicienne « Gotha, Perthes, 1876), écrit de polémique contre Ed. Zeller ; enfin les Nouvelles études pour l’histoire des concepts (3 vol. , Gotha, Perthes, 1876, 1878, 1879), où, au milieu de profondes recherches sur Héraclite, le Pseudo-Hippocrate De diceta, et Aristote, Teichmüller a répondu à diverses critiques qui lui avaient été adressées, et précisé de nouveaux points de son système. Depuis cette époque, à côté de divers travaux en dehors du cercle des précédents, il à spécialement consacré ses efforts à établir l’ordre chronologique des Dialogues, et il a été rendu compte ici des heureux résultats de ses recherches[2].

La nouvelle interprétation, « panthéistique », comme l’appelle M. Chiappelli, n’a pas encore porté en Allemagne tous les fruits qu’on en doit attendre ; mais, en Italie, Spaventa et Vera se sont prononcés en sa faveur, et l’examen très détaillé et très consciencieux qu’en fait M. Chiappelli témoigne suffisamment de l’importance qu’elle a acquise au delà des Alpes.

Après une introduction qui pose la question et définit le terrain sur lequel entend se placer l’auteur, son ouvrage se divise en quatre longs chapitres, dont le premier recherche les antécédents de l’interprétation panthéistique et les retrouve dans les travaux de Hegel sur Platon. Il contient une intéressante et judicieuse comparaison des opinions de Hegel et de Teichmüller, fait ressortir les ressemblances et les diver-

  1. Filosofia delle scuole italiane, octobre 1880.
  2. Voir la Revue philosophique, mai 1880, p. 591 ; décembre 1880, p. 672 ; janvier 1882, p. 92.