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Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 14.djvu/341

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LES ÉTUDES SOCIOLOGIQUES EN FRANCE[1]

(2e article.)

Si l’individu est le produit d’une association[2], il s’ensuit logiquement que toute association peut s’individualiser. Il serait en effet étrange que la nature, si fidèle à elle-même dans le développement de ses œuvres, la nature qui est une comme l’esprit, parce que l’esprit est ou une monstruosité sans nom ou une partie de la nature, que la nature, disons-nous, après avoir par un processus persévérant construit sur un plan tous les êtres vivants individuels, renonçât à ce plan et adoptât des principes entièrement nouveaux, quand il s’agit de construire les sociétés avec ces mêmes individus comme éléments. Le tout ne peut être autre que les parties dont il se compose ; les plastides ou organites, en se groupant, ont obéi à certaines lois qui sont celles de l’association ; la biologie tout entière n’est que la sociologie des éléments cellulaires ; par quel miracle les touts formés par composition de ces éléments, s’unissant à leur tour, adopteraient-ils d’autres lois et renonceraient-ils à leurs tendances constitutives pour inaugurer un ordre de choses sans précédents ? Si l’individu était autre que les organes dont il se compose, peut-être pourrait-on soutenir que le dème formé d’individus (zoïdes) n’est pas capable de la même organisation que les segments (mérides) au sein de l’individu ; mais, si comme nous avons essayé de le soutenir contre M. Perrier, l’individu et l’organe ne sont que les effets, morphologiquement variables, du même processus physiologique, c’est-à-dire des lois générales de l’évolution (polymorphisme et concentration organique) ; dès lors, on est en droit de s’attendre à voir le dème, ou société proprement dite, se différencier et s’unifier exactement de la même manière sous l’empire des mêmes conditions. La sociologie ne peut être, avec un aspect nouveau, que la biologie agrandie. Les unités morales, les personnes doivent se grouper exactement de la même manière et tendre par

  1. Voir la Revue philosophique du 1er juin 1892.
  2. La science sociale contemporaine, par M. Fouillée, in-19, Hachette.