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C. VIGUIER. — le sens de l’orientation

subsiste encore des phénomènes fort nets, qui m’ont paru diminuer sensiblement lorsque je faisais passer sur les côtés de la tête un courant galvanique, assez puissant pour maintenir toujours en croix avec lui-même l’aiguille d’une boussole.

Les appareils dont je me suis servi et que je devais fabriquer moi-même[1] sont toutefois trop imparfaits pour que je puisse donner les résultats que j’indique comme définitivement acquis à la science. Il y aurait, au contraire, à reprendre ces expériences d’une manière complète : sur des animaux sains et sur d’autres ayant subi des lésions expérimentales) avec des appareils aussi parfaits que possible, et dans lesquels il faudrait réaliser les conditions suivantes : mise en marche graduelle et insensible, vitesse de rotation facile à régler, absence absolue de trépidations, silence complet, arrêt rapide mais sans secousses, Il faudrait faire aussi des appareils assez grands pour que l’expérimentateur pût observer sur lui-même et non plus seulement sur des animaux[2].

Mais je touche ici à la raison même qui me fait publier ces idées avant d’avoir pu les étayer sur des expériences décisives. Nul mieux que moi ne sait qu’une théorie n’est rien, si les faits ne viennent la confirmer ; et j’avais d’abord espéré pouvoir apporter moi-même cette confirmation expérimentale ; mais depuis le mois de septembre 1880, où je déposais à l’Académie des Sciences un pli cacheté contenant l’énoncé de cette théorie, il a bien fallu me convaincre que je ne pouvais arriver moi-même à la démonstration expérimentale, dans la situation difficile que me crée l’exiguïté des ressources de notre École. C’est bien rarement, du reste, que l’on peut faire construire ces appareils coûteux, pour des travaux personnels, sans

  1. Le courant de la pile arrivait et sortait par dés touches élastiques portant sur des bagues de cuivre qui entouraient l’axe de rotation du plateau. Des fils mettaient ces bagues en communication avec des bornes où pouvaient s’ajuster les portions de circuit à faire agir, fils droits, solénoïdes ou électro-aimants. Divers appareils avaient été construits, de manière à pouvoir étudier les effets de la rotations dans chacun des trois plans des canaux. Un commutateur permettait d’intervertir brusquement le courant. J’ai essayé l’effet de la rotation de ces courants, l’animal restant fixe et les yeux bandés : mais l’imperfection de mes appareils ne me permettait pas d’arriver à une rotation absolument silencieuse, et les mouvements qui se produisaient pouvaient être attribués à des sensations auditives. On pourrait aussi essayer de placer l’animal dans un milieu magnétique neutre. Il faut en tous cas assez longtemps pour que l’animal en expérience se tienne en repos parfait, et le moindre bruit éveille son attention. Pour étudier les effets d’une interversion brusque des courants, indépendamment de toute rotation, je devais tenir le commutateur en dehors de la salle d’expériences.
  2. Il serait fort intéressant de répéter ces expériences avec des sourds-muets intelligents.