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Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 14.djvu/386

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7o Rey Régis mentionne les mouvements d’habitude ; et ici encore nous reconnaissons le précurseur de Maine de Biran. Il est à remarquer que l’habitude a été peu étudiée en psychologie par la philosophie du xviiie siècle. Ni Locke, ni Condillac, ni même Leibniz (ce qui est plus singulier), ni de Tracy n’ont consacré un chapitre de leurs écrits à l’habitude. Bonnet et Hartley, avec leurs idées mécaniques, lui ont seuls fait quelque part, et en cela ont continué la tradition de la philosophie cartésienne. Encore peut-on dire qu’avant le Mémoire de Maine de Biran jamais l’habitude n’avait été étudiée en elle-même et pour elle-même ; même dans Descartes et Malebranche, qui ont fait une si large part aux conditions mécaniques des opérations de l’âme, l’habitude n’est pas traitée séparément, comme l’un des faits essentiels de l’esprit humain. Rey Régis touche donc à un sujet encore neuf en parlant des mouvements d’habitude ses vues sur ce sujet sont peu développées ; mais elles sont précises et caractéristiques. L’habitude, dit-il, règne sur toutes nos facultés, mais surtout sur la faculté motrice ; elle est la cause secondaire d’une infinité de mouvements. Par elle, l’esprit apprend à mouvoir le corps avec ordre, avec précision. L’habitude fortifie la liaison des mouvements avec les pensées, les sentiments, les passions. Elle préside aux mouvements combinés ; elle intervient même dans les mouvements nécessaires. L’habitude ne donne jamais le premier branle ; elle ne commence rien ; elle ne fait qu’aider, continuer, fortifier. Il y a certains mouvements où l’habitude domine si fort qu’à peine peut-on leur assigner d’autres causes : l’auteur cite l’exemple du tic. Elle facilite l’union des idées avec les passions, « de sorte que l’ébranlement de l’organe qui fournit l’idée est, suivi d’un prompt ébranlement de l’organe de la passion. » On voit dans cette courte esquisse les traits généraux d’une histoire de l’habitude, histoire qui a été l’œuvre de philosophes plus récents.

8o La dernière classe de mouvements, selon Rey Régis, sont les mouvements composés : ces mouvements consistent dans l’union et le concours de plusieurs mouvements soit de la même espèce, soit d’espèces différentes, qui, par leurs liaisons et leurs combinaisons, semblent ne faire qu’un même mouvement, une même chaîne tendant au même but. Mais ce qui constitue surtout pour l’auteur le mouvement composé, ce n’est pas seulement la rencontre des mouvements, c’est le concours et l’action commune de causes diverses, de la volonté, des pensées, des sentiments et des passions concourant pour produire un même effet. Voulez-vous un exemple de ces mouvements composés ? Considérez un homme qui se promène. Il conçoit d’abord le dessein de se promener ; et sa volonté S’y con-