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C. VIGUIER. — le sens de l’orientation

cote[1] ; mais, la plupart du temps, les pigeons sont désorientés et demeurent absolument perdus. C’est ce qui est encore arrivé cette année pour dix pigeons, soigneusement dressés étapes par étapes de Saint-Étienne à Marseille, et que l’on vint lancer à Alger. Tous ces dix étaient revenus de Marseille à Saint-Étienne ; aucun ne revint d’Alger[2].

Le pigeon voyageur n’a donc pas le sens de direction assez généralement bien développé pour que l’on puisse facilement instituer des expériences sur lui. Toutefois, et vu la difficulté d’opérer sur des animaux absolument indépendants, on pourrait essayer sur les pigeons, à condition de faire des expériences nombreuses, et sur des sujets choisis. J’avais fait, à cette intention, construire[3] de petites piles humides dont le courant venait passer sur les côtés de la tête de l’oiseau. La pile était maintenue sur le dos de l’animal par une sorte de corset laissant les ailes et les pattes absolument libres. Mais je crois que l’on pourrait tenter de supprimer la pile, le corset gênant toujours l’animal, et essayer de petits barreaux aimantés maintenus sur les côtés de la tête, Quelle que soit la méthode employée, si des pigeons chez lesquels on aura bien constaté lu faculté de revenir de fort loin et d’une direction absolument inconnue sont lâchés en mer hors de vue des côtes, en calculant d’après la hauteur de celles-ci, et prenant 5,000 mètres comme élévation maximum de l’animal ; et isolément ; et si, dans ces conditions identiques, les animaux munis d’une pile ne fonctionnant pas, ou de barreaux non magnétiques, revient, tandis que ceux qui porteront des appareils perturbateurs ne reparaissent point, on aura réalisé une expérience très probante, sinon absolument décisive, en faveur de la théorie magnétique ; mais le simple énoncé que je viens de faire des conditions requises suffit à faire comprendre les difficultés, pécuniaires et autres, dont je n’ai point encore réussi à triompher.

Bien que les expériences sur les quadrupèdes soient aussi fort

  1. Ceci serait d’autant plus sûr pour les pigeons, que ces oiseaux ne s’élèvent pas très haut. Des pigeons lancés à 5,000 mètres par Crocé Spinelli et Sivel (Ascension aérostatique à grande hauteur, Comptes rendus, 1874, p. 950) se précipitèrent immédiatement vers la terre en décrivant de grands cercles avec une vitesse effrayante.
  2. Ces pigeons furent lancés par la Société Colombophile de la Loire, successivement à Grand-Croix (Loire), à Montélimar, à Avignon et à Marseille. Sur 23 animaux mis en expérience, il n’y en avait plus que 10 à la fin, et ce furent ces 10 qui se perdirent à Alger (ces renseignements, donnés par le président de la Société, m’ont été obligeamment transmis par M. H. Théolier, directeur du Mémorial de la Loire, à Saint-Étienne).
  3. Chez M. Trouvé.