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Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 14.djvu/602

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lui-même et en se réfléchissant sur soi, se modifie, se pénètre tout entier d’intelligence et devient susceptible de directions nouvelles. Plus l’homme croit que ses pensées sont les facteurs essentiels de ses actes, plus la pensée de sa propre puissance sur soi doit dominer sa conduite.

Nous ne trouvons donc point ici ce prétendu « désaccord entre la théorie et la pratique », entre la pensée et l’action, qui fournit à M. Secrétan une quatrième objection contre le déterminisme. Si l’empire régulier de l’intelligence, dit-il, « nous conduisait à reconnaître l’incompatibilité de la vérité théorique et de la vérité pratique, un tel résultat suggérerait les doutes les plus graves sur la compétence de nos facultés mentales, sur la possibilité de la connaissance en général. Or, toute application de la faculté de connaître qui aboutit à mettre en doute la possibilité de la connaissance se détruit naturellement elle-même. »

En quoi, répondrons-nous, y a-t-il désaccord entre la théorie et la pratique, entre la connaissance et l’action, parce qu’on admet que la pratique, pour la ! plus grande part, est précisément déterminée par la théorie, et l’action par la connaissance jointe au sentiment ? Il n’y a pas le moindre scepticisme intellectuel à admettre la souveraine efficacité de l’intelligence, ni la moindre négation de la science théorique à affirmer son action pratique. Ce sont au contraire les partisans du libre arbitre entendu à la façon vulgaire qui admettent une opposition absolue entre l’ « intérêt théorique » et l’ « intérêt pratique » ; et ils ne mettent fin à cette opposition, comme nous l’avons vu, que par un acte de foi. « Je crois à la primauté de la raison pratique, dit M. Secrétan, et je vote librement en faveur de la liberté. »

III
Le libre arbitre et le mouvement

Passons maintenant aux expédients mécaniques en faveur du libre arbitre. On peut en compter jusqu’à quatre, par lesquels on espère rendre l’action du libre arbitre compatible avec la conservation de l’énergie : 1o direction possible des mouvements de translation par une force étrangère au mouvement ; 2o choix possible entre plusieurs solutions indifférentes ; 3o transformation possible du mou-